Essayer de faire passer un pays de 1930 à 2030 en quelques années est une tâche des plus complexes. Le Qatar pourrait y arriver par son organisation tribale et verticale au sommet de l’état. Mais peut-on imaginer le destin de l’émir Tamim pendant les trente prochaines années être réduit au choix des joueurs du PSG et de quelques affaires économiques ?
Du passé faisons table rase mais tout compte fait il pourrait nous servir
Le clan al-Thani au sens large représente à lui tout seul prés de 15 % de la population du Qatar hors expatriés. Il tient le pouvoir de1868 à ce jour, pesant sur le destin du Qatar. Depuis la prise de pouvoir de l’émir Hamad en 1995, tout s’est accéléré. Avec l’aide d’un premier ministre HBJ aussi engagé que lui et d’une femme exceptionnelle, ils ont su utiliser les ressources naturelles, gaz et pétrole pour commencer à bâtir l’état du Qatar. Jusqu’à son indépendance qui date de 1971 le Qatar était sous protectorat anglais ce qui explique son organisation administrative et une connaissance de la langue anglaise, un véritable atout.
L’émir Hamad et sa deuxième femme Scheikha Moza, dans un premier temps ont voulu faire table rase du passé, pour bondir plus vite « aux temps modernes ». Mais ils se sont aperçus rapidement que de vouloir construire une nation sans fondations dans un pays où le sable règne en maître, c’est éphémère. Une fois la décision prise de mener de front une culture du passé et une vision futuriste, le Qatar a pu avancer par bonds successifs au fur et à mesure que la manne gazière grandissait. Hamad et Moza ont partagé le pouvoir avec une élite d’un peu plus de 20 000 personnes, il y a certes le clan al-Thani mais aussi toutes les grandes familles du pays.
La réussite de l’émir Hamad tient au fait qu’il a su partager une bonne partie des ressources sans oublier de jeter les bases d’ un véritable état. Bien sûr, il s’est enrichi à titre personnel mais le Qatar est un des pays au monde où le nombre de millionnaires en rapport à la population autochtone est remarquable. Ceci, lui a assuré la stabilité politique nécessaire qu’il a garantie avec une police et un embryon d’armée totalement soumis aux ordres de l’émir ou du prince héritier.
Le choix le plus difficile pour le couple Moza Hamad a été de « sélectionner » parmi ses enfants celui qui remplacerait Hamad. Après de multiples essais, celui qui est ressorti du lot fut le Prince Tamim, l’actuel émir depuis juin 2013.
Une réussite économique à confirmer dans le temps
L’émir Hamad qui a arraché le pouvoir à son père a réussi à faire connaître le Qatar sur la planète entière. Il a tissé par des accords bilatéraux des liens entre les plus grands pays de la planète. Avec l’installation de la plus grande base militaire américaine au monde hors USA, il s’est offert une sécurité solide et cela lui a évité jusqu’à maintenant de faire des investissements militaires trop importants. En plus des revenus gaziers, le Qatar a quelques réussites économiques comme Qatar Airways, Al Jazeera, le Secteur financier, l’organisation de forums mondiaux… mais la part des revenus du gaz et de ses dérivés rendent le Qatar dépendant de cette mono activité avec tous les dangers que cela peut représenter. Dans les années « 30 » le Qatar a connu l’effondrement de sa mono activité de l’époque qui tournait autour des perles, cette peur centenaire est toujours présente dans l’inconscient collectif des élites Qataris.
Les choix pour les prochaines années de développer des secteurs comme le Sport, les Arts, le Tourisme demandent des investissements colossaux pour un avenir incertain. Le rattrapage en matière d’infrastructures est réel et posera des problèmes de vie au quotidien pour les 3 à 5 prochaines années. Ce retard sur les infrastructures est dû pour l’essentiel à une politique étrangère des plus hasardeuses qui a coûté un nombre de milliards impossible à chiffrer mais qui a manqué pour le développement interne. Nul doute que l’émir Hamad aime son pays mais il a compris depuis longtemps qu’y vivre ce n’est pas une sinécure et il n’a eu de cesse d’aller voir ailleurs si l’herbe était plus verte.
Le nouvel émir Tamim doit à la fois poursuivre ce qui réussit mais aussi conforter les choix qui équilibreront les revenus du pays en sortant de la mono activité.
L’émir Tamim est il l’homme de la situation ?
La passation du pouvoir un tantinet précipitée dont il court de nombreuses versions entre l’émir Hamad et son fils Tamim, était apparemment nécessaire. Intervention américaine, problème de santé et dix mille autres raisons ont été évoquées. Ce qui est certain, il a fallu en quelques semaines au Prince héritier se préparer effectivement à la gestion du pays avec son équipe. Sur le papier et l’observation de quelques années de fonction ont permis au cercle très fermé du clan al-Thani de valider sans drame la passation de pouvoir. Pour autant, cet homme seul l’émir Tamim est il l’homme de la situation ?
L’émir Hamad et quelques fois la Scheikha Moza apportent leur soutien au nouvel émir. Tout en gardant la distance qui s’impose, car l’émir Tamim est en phase d’acquisition de la notoriété et du commandement. A la différence de son père, Tamim n’est pas entouré de personnages ayant acquis le pouvoir par la lutte ou par un coup d’état qui lient les entreprenants. Il a une équipe composée de quelques anciens mais surtout de jeunes en âge et dans le pouvoir. Son premier ministre pour l’instant est un parfait inconnu sans doute pour ne pas faire d’ombre à l’émir. Autour de lui il y a beaucoup de jeunes trentenaires et beaucoup d’étrangers au pays qui le conseillent. Personne n’est capable sérieusement de savoir ce que va devenir le Qatar dans les mois et années à venir. De toute façon le Qatar n’a pas le choix, Tamim est la seule solution, il n’y a pas de prince héritier pouvant constituer un plan B.
Que fera Tamim prochainement ?
Un renforcement militaire est à l’ordre du jour avec une réflexion pour un service militaire de quelques mois sans doute, 3 ou 4 qui sera décidé très rapidement et une acquisition massive de matériels militaires modernes. Aujourd’hui le Qatar confie sa sécurité à des gens fidèles mais à des « mercenaires » en tout cas non-qataris. L’émir Tamim qui a en charge la partie militaire depuis quelques années souhaite créer une petite armée de qataris. Cela résoudra une partie de ses difficultés avec la jeune génération qui a du mal à trouver sa place au sein de la société qatari où les expats occupent des places qu’ils espéraient. Les qatari seront ainsi : millionnaires, religieux, militaires ou fonctionnaires. Mais ces militaires pour autant iront-ils au combat ?
C’est une des plus grandes inquiétudes de Qatarinfos.net concernant l’émir Tamim. Comment cet homme va-t-il pouvoir marquer l’histoire de son pays, au moins comme ses ancêtres, mais sans doute dans ce que je devine sur son caractère, il va vouloir aller au delà.
L’achat de 72 avions de combats, de plusieurs centaines de chars et de leur environnement n’est pas destiné uniquement à assurer la défense de ce petit bout de territoire du Golfe. Tamim a vu la limite du « soft pouvoir ». Il va vouloir dans quelques temps aller au bout de ses convictions. Il y a autour de lui une équipe qui prône l’intervention physique, composée de religieux, de militaires, de mercenaires. Equipe discrète, non gouvernementale, qui peut accéder à des sommes considérables sur un simple ordre de l’émir. Cette équipe pourrait même un jour imaginer telle l’Arabie saoudite dire aux américains d’aller voir ailleurs. Intervenir militairement ? Pour l’instant il ne vise pas les grandes puissances comme l’Iran, l’Arabie, Israël… Mais demain il pourrait vouloir donner une leçon à la Lybie pour montrer à tous la capacité de nuisance qu’il peut avoir.
Il est impossible d’imaginer un Tamim à 33 ans pendant les trente prochaines années, se contenter simplement de peser sur les choix des joueurs du PSG et de quelques affaires économiques. Homme de pouvoir, seul au pouvoir, Il va vouloir peser sur son destin et sur celui du Qatar.