Vivre au Qatar c’est chaud

Parti en reportage en région parisienne pendant trois jours je retrouve une forte actualité sur mon pays préféré le Qatar. C’est l’occasion de faire un point sur plusieurs prises de positions ou événements récents. En tout cas c’est chaud entre attaques et contre attaques il y a matière pour ceux qui s’intéressent à ce pays.

De la fascination à l’interrogation

Pendant les premiers mois de la création de préoccupé de faire le premier tour de reconnaissance du Qatar lorsque je voyais des critiques sur ce pays j’avais tendance à mettre de coté et dire « quand même ceux qui disent du mal du Qatar exagèrent ». A la sortie du livre de Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget Le vilain petit Qatar.  Cet ami qui nous veut du mal ». Ma réaction fut «  pas question d’en parler c’est n’importe quoi ». Quelques mois plus tard un peu par hasard je fis la connaissance de Jean Pierre Marongiu via internet et je découvris l’affaire des « 4 français » retenus au Qatar malgré eux. En quelques semaines mon regard sur ce pays devint tout autre. Malgré des efforts indéniables pour voir le Qatar positivement mon regard est passé de la fascination à l’interrogation. Et quand le doute s’installe vous voyez les choses autrement.

Au mois de juin le jeune émir Tamim prenait le pouvoir, je fus comme beaucoup content de cet événement. Un ancien dirigeant qatari passe le pouvoir à un autre sans coup d’état, d’assassinat ou autre façon dramatique, c’est nouveau, ça va dans le bon sens . Les mots employés par l’émir Tamim, modestie, ouverture interne et externe ont crées des espoirs. Le premier geste de taille aurait été la libération du « poète », une réforme des conditions de vie et de travail des expatriés les plus en difficultés. Attentif à ce qui se passe au Qatar lorsque le ministre du travail prit la parole pour dire je vais « faire », sur les salaires, les conditions de travail etc, sérieusement j’ai cru un instant que le Qatar pouvait s’arracher, grâce à ce jeune émir, du système féodal où il était englué.

A cette époque je pensais que la stratégie d’ouvrir la porte au Qatar au niveau économique était la bonne. Le soft power décrit par Ennasri et Boniface me semblait réel. Halte au Qatar Bashing, il faut laisser du temps, il faut s’ouvrir au Qatar. D’ailleurs je ne comprenais pas cette polémique sur l’histoire des banlieues. Comment le Qatar, crée des mosquées, pourrait manipuler certains jeunes et les retourner demain contre nos traditions ? J’étais vent debout contre tous ces « délires » de jaloux de la réussite du Qatar. Je comprenais les politiciens français qui voulaient attirer des capitaux d’un pays qui pense uniquement à investir, faire un profit si possible mais dans le respect du pays. C’était encore ma vision du gagnant – gagnant, même au début de l’affaire du rachat du Printemps, je me disais « mais bons sang ces syndicats ne comprennent pas leur chance ? Voila un pays qui amène de belles sommes pour faire vivre une activité complexe et ils font des histoires, des procès !

Et puis d’un seul coup comme si on avait éclairé la scène complètement, j’ai vu un tas d’événements négatifs

Les 4 français otages, les politiciens à plat ventre, le PSG qui devient qatari, BeIN Sport, Ennasri, Boniface ils nous ressortent régulièrement la tarte à la crème du soft power, l’ambassadeur Al Kuwari qui dit que les Népalais finalement ils devraient être contents de travailler au Qatar car c’est mieux que chez eux, l’implication du Qatar en Syrie, le rejet des jeunes Tunisiens de Sheickha Moza, le jeune émir qui ne veut rien bouger au droit du travail et qui embauche un cabinet d’avocat pour prouver que « son » droit est bon, les dizaines de morts annoncés par Doha News, les morts annoncés par Sharan Burrow, The Guardian, l’emprisonnement de Marongiu et sa grève de la faim, l’Egypte et les frères musulmans, le financement de groupes extrémistes, le Mali, la honte de la visite de Hollande à la veille du changement de l’émir, la découverte d’un ambassadeur du Qatar mis en place par Guéant et qui s’amuse des socialistes, un réseau autour de l’ambassade à Doha pour le moins étrange sinon suspect, les religieux qui deviennent de plus en plus présents et qui obtiennent une diminution de la possibilité de se procurer de l’alcool, les jeunes qataris qui grandissent tous seuls entourés de « bonnes » sans aucun pouvoir, des jeunes qataris qui mangent mal, qui sont obèses qui ont le diabète, qui paniquent parce que les bus ne sont pas présent pour les ramener chez eux, des jeunes qataris qui meurent sur les routes, des femmes qui espèrent une place au soleil mais qui passent beaucoup de temps à colmater les brèches des couples qataris qui divorcent à plus de 35 %, qui craignent pour leur avenir car le peu de droits qu’elles ont ne sont pas garanti, car la démocratie n’avance pas au Qatar au contraire elle recule, le départ précipité d’un deuxième directeur d’un Lycée français à Doha, l’emprisonnement des femmes avec leur bébé pour l’avoir conçu hors du mariage….Pendant des heures je pourrais donner des centaines d’exemples de ce qui ne vas pas ou ne vas plus au Qatar et comment de la fascination on peut passer à la contestation, à l’éclairage de manipulations honteuses sur les droits de l’homme. Où l’unique dieu finalement est le capital.

On parle d’une nation mais est ce réellement le cas ? Quelques trente mille millionnaires, et 250 000 autres qataris sous perfusion est ce que cela constitue un état ? Lorsqu’il n’y a pas de démocratie, que la justice est sous influence  et que la confusion de l’état avec un ou quelques clans est quotidienne on voit bien que le pays est en devenir mais il n’existe pas encore réellement. La construction d’un état est basée sur quelques valeurs comme le respect des êtres humains, la compassion pour les animaux et un zeste d’attention pour la nature… Aucune de ces trois composantes basiques n’est mise en valeur au Qatar. Lorsqu’on accepte des centaines de morts par an au travail et autant sur la routes sans en faire une absolue priorité on voit bien que les droits de l’homme sont bafoués. Lorsqu’on est incapable d’avoir un lieu public, pour accueillir les animaux, financé par l’état alors que l’on crie partout « nous sommes riches au Qatar » on voit bien les limites de la compassion envers les animaux et la pauvreté qui vous habite. Lorsqu’on pollue la mer, le sol et l’air on n’accorde aucun égard à la nature. On peut toujours prier et invoquer dieu, ce qu’il regarde le divin c’est les actes que les hommes accomplissent et nos les mots prononcés. On peut toujours prôner la paix mais ne pas y croire et acheter des centaines de chars et vouloir des dizaines d’avion de chasse alors que le « diable » américain est sur votre sol pour vous protéger . On peut toujours avoir une ambassade grandiose à Paris est être incapable d’avoir un site à jour prêtant le flanc aux pires rumeurs sur le nouvel ambassadeur membre important du clan al-Thani. On peut toujours acheter les plus belles œuvres culturelles mondiales pour les exposer dans des musées vides ou plein de gens que l’on paie pour visiter.

On peut toujours attirer du monde pour vivre au Qatar mais une fois sur place, ne pas trouver cette âme qui fait un pays. Le Qatar devient une curiosité à visiter mais on en repart toujours avec un vide au fond de soi et la question mais pourquoi j’y suis allé ?