Alerter le Qatar

Depuis des mois nous alertons les autorités du Qatar d’une vague de fond qui risque de l’emporter. Le monde entier fait semblant de découvrir, soudainement, un pays qui dérange par ses comportements. Nous avions, il y a quelques mois évoqué le mot de « rejet », bien plus important que « bashing ». Le Qatar est il en danger ? Les conseillers internationaux ne conduisent ils pas le pays dans le précipice ? Les autorités sont elles à la hauteur de la situation ?

Le Qatar est il en danger ?

Lorsqu’en 2010 l’émir Hamad se félicite de l’obtention de la coupe du monde de football, il sait qu’il va attirer l’attention sur son pays et le Golfe tout entier. Mais a- t-il réellement pesé les évolutions nécessaires pour apparaître football mondial compatible ?  A- t-il conscience que tous ses opposants se focalisent sur ce qui reste à faire, oubliant ce qui a été fait ? Hamad est parti et il laisse le « cadeau » à son fils Tamim.

Cette coupe du monde qui devait être une chance pour le Qatar et pour le Golfe depuis quelques jours se transforme en un véritable cauchemar. Un article du « The Guardian » a mis le feu aux poudres et pourtant pour des observateurs avisés « The « Guardian » n’amène rien de nouveau, puisque l’essentiel des ces infos étaient parues un mois avant dans un journal local de Doha.

Cette attaque contre le Qatar vient après les « révélations » savamment distillées par Joseph BLATTER, tout en sous entendus et qui dépêche une énième enquête pour savoir si l’attribution de la Coupe 2022 au Qatar s’est passée correctement.

Et que penser de l’article de Philippe Auclair, pièce de théâtre en trois actes qui en apparence n’apporte aucune information mais qui vient faire la synthèse de la situation et donne un « bon argumentaire » à ceux qui veulent « flinguer » le Qatar et la FIFA. Comme dit la chanson « est ce par hasard ? »

Un complot me direz-vous ? Un de plus sans doute, mais c’est la solution de facilité de résumer la situation actuelle en ses termes. Si le Qatar se trouve dans l’œil du cyclone il ne le doit qu’à lui-même. En permanence on repousse les échéances capitales pour le pays comme les élections législatives, un abandon du système du « sponsor, kafala », une amélioration des conditions de travail… Et puis la passation de pouvoir au « jeune émir » et à un gouvernement qui tarde à trouver ses marques s’avère être une difficulté supplémentaire pour le Qatar. Mais pour autant le Qatar est-il en danger ?

 

Les autorités sont elles à la hauteur de la situation ?

L’émir et son cabinet ne pourront pas tout faire c’est pour cela qu’un gouvernement est en place avec deux orientations discipline et réussite et un objectif s’occuper des habitants du Qatar. Si pour la discipline pour l’instant il n’y pas de problème, pour la réussite il y a quelques bons résultats mais rien n’est très solide, pour la vie quotidienne des habitants du Qatar ce n’est pas la joie.

Longtemps le Qatar a défrayé la chronique avec ses engagements en politique étrangère qui ne s’avèrent pas très fructueux et rendent complexes les relations avec les autres pays du Golfe. Beaucoup d’observateurs avaient résumé cela par deux formules « la grenouille qui se prend pour un bœuf » ou le Lion et le Moucheron ». Le temps et l’argent passé à cet investissement pour exercer un contrôle sur la zone Moyen Orient Afrique du Nord ont manqué à la gestion interne du pays. Les infrastructures et les habitants de ce pays ont été sacrifiés sur l’autel de « l’ego » de deux hommes, l’émir Hamad et l’autre Hamad (Hamad Ben Jassem), son premier ministre.

La nouvelle équipe mise en place depuis trois mois manque d’un pilote expérimenté. Abdullah bin Nasser bin Khalifa Al Thani le premier ministre se rend visible par intermittence et pourrait à terme, s’il ne réagit pas être le fusible des déboires du Qatar. On brasse beaucoup de vent dans les ministères sans réaliser les changements nécessaires. Le ministre du travail est l’exemple à méditer. S’appuyant sur des cabinets étrangers il passe son temps à « camoufler » la réalité reportant à demain les évolutions du droit du travail promis aussi bien à l’Organisation Internationale du Travail et à la FIFA.

La réponse apportée à l’article du « The Guardian » en est un exemple assez pitoyable. On se contente, de phrases creuses du style « nous apprécions chacun des travailleurs » (allez raconter cela aux familles des morts et blessés) et de textes de lois qui sont recopiées pour faire croire que les propos du « The Guardian » ne sont pas fondés. On se demande à lire cette réponse si les dizaines de morts ne sont pas pure invention et que les journaux qui en parlent « déraillent ».

Or la vérité et bien plus horrible que ce disent ces journaux puisque on ne parle ici que des Népalais, il y a tous les autres. Ce qui est aggravant est que les pouvoirs publics sont parfaitement au courant des négligences des employeurs et qu’ils ne prennent pas les mesures nécessaires.  On parle du suivi de la santé des travailleurs par une médecine du travail or récemment plusieurs médias Qatari se sont émus que pour 400 000 Népalais il n’y avait que deux médecins du travail qui parlaient Népalais. Les autres étaient reçus par des médecins qui ne comprennent pas ce que raconte le travailleur. Vous imaginez aisément les « fautes » de diagnostic et d’octroi de médicaments qui en suivent.

Un autre propos parfaitement « honteux » tenu dans cette réponse concerne les passeports, tout le monde sait qu’ils sont subtilisés dés leur arrivé par les « sponsors ou parrains » et que pour sortir du pays il faut aussi un « exit permit ». Nous suivons l’affaire des 4 français depuis plusieurs mois et voyons bien que la aussi l’auteur de cette réponse est pris en flagrant délit de « mensonge ». Comment un gouvernement digne de ce nom laisse faire une réponse d’un tel niveau ?

Le plus comique dans cette réponse est la fameuse « Charte des travailleurs », la Confédération syndicale internationale (CSI) a déclaré qu’elle  était «très déçue de cette annonce », sa représentante Sharan Burrow a indiqué «  la charte ne va pas aider les travailleurs migrants. » Voilà encore un autre exemple d’autisme gouvernemental où on affiche un document écrit unilatéralement et on essaie de se convaincre que tout le monde est d’accord.

Le doute s’installe aujourd’hui sur la compétence du gouvernement en place pour gérer les affaires du pays. Ce pays est conduit comme une entreprise, où le patron à l’exemple de celui de Qatar Airways se croit tout permis.

Ce qui est inacceptable est que le Qatar a les moyens de faire mieux en matière de sécurité au travail, le ministère pourrait se servir de l’exemple de l’industrie pétrolière et gazière qui a amélioré les conditions de travail dans un secteur pourtant jugé dangereux.

Tout cela me fait penser à une stratégie défini par quelques officines qui disent clairement « il ne faut rien lâcher ». La mise en concurrence de ces conseillers internationaux conduit le pays dans le précipice.

Ce qui manque au Qatar est un semblant de démocratie au point que les Qataris s’expriment via les réseaux sociaux pour se faire entendre. Une opinion publique pourrait dans certains cas déclencher ces alertes et créer les débats nécessaires.

Le Qatar est-il en danger ? Notre réponse est « oui ». Certes les médias internationaux ne lui facilitent pas la vie mais heureusement que « The Guardian » est là malgré ses imperfections et que la Coupe du monde attire l’attention sur le Qatar et les autres pays du Golfe.

Le manque de démocratie, la non application des droits de l’homme et du travail, une stratégie de la négation des réalités, une gestion du pays comme une entreprise, une notion d’impunité qui se développe parmi les dirigeants du  pays, le manque de réussite de la politique interne du Qatar pour ses ressortissants et pour les expatriés… sont les raisons qui mettent en danger le Qatar.

L’émir Hamad hier, l’émir Tamim aujourd’hui demandent du temps pour faire évoluer leur pays. Or le comportement actuel démontre le contraire. C’est maintenant qu’il faut réagir avant que le Qatar soit emporté.