Le voyage du Pape en Irak inspiré de saint François d’Assises

Nous sommes impressionnés, huit-cents ans après, que François invite à éviter toute forme d’agression ou de conflit et également à vivre une ‘‘soumission’’ humble et fraternelle, y compris vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas sa foi.

La visite au Sultan Malik-el-Kamil, en Égypte, a inspiré le pape François

Le Pape François se rend en Irak du 5 au 8 mars 2021, malgré les craintes d’un attentat et dans une époque difficile avec le Covid-19. En lisant le préambule de l’encyclique « Fratelli tutti », je comprends mieux pourquoi il s’y rend.

« Fratelli tutti », écrivait saint François d’Assise, en s’adressant à tous ses frères et sœurs, pour leur proposer un mode de vie au goût de l’Évangile. Parmi ses conseils, je voudrais en souligner un par lequel il invite à un amour qui surmonte les barrières de la géographie et de l’espace. Il déclare heureux celui qui aime l’autre « autant lorsqu’il serait loin de lui comme quand il serait avec lui ». En quelques mots simples, il exprime l’essentiel d’une fraternité ouverte qui permet de reconnaître, de valoriser et d’aimer chaque personne indépendamment de la proximité physique, peu importe où elle est née ou habite.

Ce Saint de l’amour fraternel, de la simplicité et de la joie, qui m’a inspiré l’écriture de l’encyclique Laudato si´, me pousse cette fois-ci à consacrer la présente nouvelle encyclique à la fraternité et à l’amitié sociale. En effet, saint François, qui se sentait frère du soleil, de la mer et du vent, se savait encore davantage uni à ceux qui étaient de sa propre chair. Il a semé la paix partout et côtoyé les pauvres, les abandonnés, les malades, les marginalisés, les derniers.

Sans frontières

Il y a un épisode de sa vie qui nous révèle son cœur sans limites, capable de franchir les distances liées à l’origine, à la nationalité, à la couleur ou à la religion. C’est sa visite au Sultan Malik-el-Kamil, en Égypte, visite qui lui a coûté de gros efforts du fait de sa pauvreté, de ses ressources maigres, de la distance et des différences de langue, de culture et de religion. Ce voyage, en ce moment historique marqué par les croisades, révélait encore davantage la grandeur de l’amour qu’il voulait témoigner, désireux d’étreindre tous les hommes. La fidélité à son Seigneur était proportionnelle à son amour pour ses frères et sœurs. Bien que conscient des difficultés et des dangers, saint François est allé à la rencontre du Sultan en adoptant la même attitude qu’il demandait à ses disciples, à savoir, sans nier leur identité, quand ils sont « parmi les sarrasins et autres infidèles … de ne faire ni disputes ni querelles, mais d’être soumis à toute créature humaine à cause de Dieu ».

Dans ce contexte, c’était une recommandation extraordinaire. Nous sommes impressionnés, huit-cents ans après, que François invite à éviter toute forme d’agression ou de conflit et également à vivre une ‘‘soumission’’ humble et fraternelle, y compris vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas sa foi.

Il ne faisait pas de guerre dialectique en imposant des doctrines, mais il communiquait l’amour de Dieu. Il avait compris que « Dieu est Amour [et que] celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu » (1Jn 4, 16). Ainsi, il a été un père fécond qui a réveillé le rêve d’une société fraternelle, car « seul l’homme qui accepte de rejoindre d’autres êtres dans leur mouvement propre, non pour les retenir à soi, mais pour les aider à devenir un peu plus eux-mêmes, devient réellement père ». Dans ce monde parsemé de tours de guet et de murs de protection, les villes étaient déchirées par des guerres sanglantes entre de puissants clans, alors que s’agrandissaient les zones misérables des périphéries marginalisées. Là, François a reçu la vraie paix intérieure, s’est libéré de tout désir de suprématie sur les autres, s’est fait l’un des derniers et a cherché à vivre en harmonie avec tout le monde. C’est lui qui a inspiré ces pages.

Les questions liées à la fraternité et à l’amitié sociale ont toujours été parmi mes préoccupations. Ces dernières années, je les ai évoquées à plusieurs reprises et en divers endroits. J’ai voulu recueillir dans cette encyclique beaucoup de ces interventions en les situant dans le contexte d’une réflexion plus large. En outre, si pour la rédaction de Laudato si’ j’ai trouvé une source d’inspiration chez mon frère Bartholomée, Patriarche orthodoxe qui a promu avec beaucoup de vigueur la sauvegarde de la création, dans ce cas-ci, je me suis particulièrement senti encouragé par le Grand Iman Ahmad Al-Tayyeb que j’ai rencontré à Abou Dhabi pour rappeler que Dieu « a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux ».

Ce n’était pas un simple acte diplomatique, mais une réflexion faite dans le dialogue et fondée sur un engagement commun. Cette encyclique rassemble et développe des thèmes importants abordés dans ce document que nous avons signé ensemble. J’ai également pris en compte ici, dans mon langage personnel, de nombreuses lettres et documents contenant des réflexions, que j’ai reçus de beaucoup de personnes et de groupes à travers le monde.

Les pages qui suivent n’entendent pas résumer la doctrine sur l’amour fraternel, mais se focaliser sur sa dimension universelle, sur son ouverture à toutes les personnes. Je livre cette encyclique sociale comme une modeste contribution à la réflexion pour que, face aux manières diverses et actuelles d’éliminer ou d’ignorer les autres, nous soyons capables de réagir par un nouveau rêve de fraternité et d’amitié sociale qui ne se cantonne pas aux mots. Bien que je l’aie écrite à partir de mes convictions chrétiennes qui me soutiennent et me nourrissent, j’ai essayé de le faire de telle sorte que la réflexion s’ouvre au dialogue avec toutes les personnes de bonne volonté.

De même, quand je rédigeais cette lettre, a soudainement éclaté la pandémie de la Covid-19 qui a mis à nu nos fausses certitudes. Au-delà des diverses réponses qu’ont apportées les différents pays, l’incapacité d’agir ensemble a été dévoilée. Bien que les pays soient très connectés, on a observé une fragmentation ayant rendu plus difficile la résolution des problèmes qui nous touchent tous. Si quelqu’un croit qu’il ne s’agirait que d’assurer un meilleur fonctionnement de ce que nous faisions auparavant, ou que le seul message est que nous devrions améliorer les systèmes et les règles actuelles, celui-là est dans le déni. 8. Je forme le vœu qu’en cette époque que nous traversons, en reconnaissant la dignité de chaque personne humaine, nous puissions tous ensemble faire renaître un désir universel d’humanité. Tous ensemble : « Voici un très beau secret pour rêver et faire de notre vie une belle aventure. Personne ne peut affronter la vie de manière isolée. […]

Nous avons besoin d’une communauté qui nous soutient, qui nous aide et dans laquelle nous nous aidons mutuellement à regarder de l’avant. Comme c’est important de rêver ensemble ! […] Seul, on risque d’avoir des mirages par lesquels tu vois ce qu’il n’y a pas ; les rêves se construisent ensemble ».6 Rêvons en tant qu’une seule et même humanité, comme des voyageurs partageant la même chair humaine, comme des enfants de cette même terre qui nous abrite tous, chacun avec la richesse de sa foi ou de ses convictions, chacun avec sa propre voix, tous frères.

Le Pape François en Irak du 5 au 8 mars 2021

Le programme détaillé du voyage du Pape en Irak a été officialisé par la Salle de presse du Saint-Siège, lundi 8 février 2021.

À son arrivée à l’aéroport international de Bagdad, vendredi 5 mars, le Pape François sera reçu par le Premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi. Il rejoindra tout de suite après le palais présidentiel pour une cérémonie officielle de bienvenue. Elle sera suivie d’un entretien de courtoisie avec le président de la République irakienne, Barham Salih. Puis, toujours au palais présidentiel, une rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique irakien aura lieu.

Cette première journée sera conclue par une seconde rencontre d’importance, celle avec les évêques, prêtres, religieux et séminaristes du pays, en la cathédrale syro-catholique Notre-Dame-de-l’Intercession de Bagdad. Une cathédrale où 44 fidèles ont péri dans un attentat djihadiste en octobre 2010.

Rencontre avec l’ayatollah Sistani 

Le lendemain, samedi 6 mars, le Souverain pontife se rendra à Nadjaf à 200 km au sud de la capitale pour un échange inédit avec le Grand Ayatollah Ali Sistani, la plus haute autorité musulmane chiite en Irak, avant de participer à une rencontre interreligieuse à Ur au milieu des «plaines d’Abraham». Retour en fin de journée à Bagdad pour une messe avec le clergé chaldéen en la cathédrale latine Saint-Joseph. 

Dimanche 7 mars, le Pape ira à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, mais aussi à Mossoul et Qaraqosh dans la plaine de Ninive à la rencontre des communautés chrétiennes ayant fui les exactions du groupe État islamique.

Avant de repartir pour Rome, lundi 8 mars, clôturant ainsi quatre jours de proximité intense avec un peuple qui continue de souffrir de la guerre, et que le Pape Jean-Paul II avait rêvé, lui aussi, de visiter, François célébrera une dernière messe à Erbil en fin de journée dimanche.