Les qataris sont-ils heureux?

La famille de demain au moyen orient

En arrivant au pouvoir, le nouvel émir Tamim du haut de ses 33 ans devait améliorer la vie quotidienne des qataris, premier bilan 2 ans  plus tard.

La vie des qatariens sous le règne de Tamim

La vie  est faite d’un tas de petits détails qui peuvent vous la faciliter ou la rendre difficile, le lieu de naissance n’est pas anodin. Etre qatarien aujourd’hui c’est naître dans un des pays les plus riches au monde. Pour autant les qatariens sont-ils heureux au quotidien ?

1 – Commençons par quelques sujets simples pour se faire une idée, en premier lieu la nourriture. Au Qatar on trouve de tout, il y a une petite production agricole locale qui devrait grandir, le reste est importé. Les dernières statistiques prouvent, d‘une année sur l’autre, que les prix sont stables. On peut dire que l’on peut bien se nourrir au Qatar, que l’on trouve de tout et que les magasins ne manquent pas. Compte tenu d’un nombre important de nationalités d’expatriés, le choix de nourritures est immense.

2 – Après la nourriture terrestre, le bien être spirituel, l’immense majorité des qatariens est sunnite wahhabite, c’est-à-dire un islam rigoureux. La prière est très présente dans la vie des qatariens, elle soude le peuple et le rassemble. Lorsqu’on voit l’émir Tamim prier avec des qataris pour invoquer le Seigneur, pour qu’enfin la pluie vienne, cela montre un côte « humble » face à l’éternel. Le Qatar ne s’oppose pas sur son sol, pour les expatriés, à ce qu’ils pratiquent une des religions classiques du monde. Il n’accepte toutefois toujours pas qu’un musulman puisse changer de religion, « puisqu’on a la vérité, comment admettre qu’on l’abandonne ».

3 – Le Qatar est une monarchie constitutionnelle, où l’émir, sa famille et quelques tribus détiennent le pouvoir. Pour une grande partie des qatariens la situation actuelle leur convient, car ces familles dirigeantes partagent une bonne partie des revenus des hydrocarbures, après s’être généreusement servies. Un de nos lecteurs un peu naïf parlait d’une redistribution à 97 % des revenus, sauf que le partage est loin d’être équitable. C’est un des pays où le nombre de millionnaires est important, mais ensuite les revenus chutent brutalement. Au niveau politique c’est la pauvreté absolue, les quelques institutions représentatives des citoyens n’ont en réalité aucun pouvoir, même si on essaie de nous faire croire qu’il existe un circuit de consultation. Les décisions importantes se prennent dans un comité ultra réduit avec quelques représentants des grandes tribus du Qatar. Rien ne permet de croire que dans les prochaines années ce type de pouvoir politique envisage une démocratisation et un partage des responsabilités. Au contraire, la récente loi sur la cybercriminalité qui met une épée de Damoclès sur chaque qatari et expatrié ne présage rien de bon.

4 – La défense du territoire est aujourd’hui confiée pour l’essentiel aux américains. Depuis l’implantation d’une des plus grandes bases américaines au monde sur leur sol, les qataris n’ont pas assuré en parallèle leur propre défense. La mobilisation des jeunes générations qataries avec le service national obligatoire qui sera même ouvert aux femmes l’an prochain est le geste qui marquera ces premiers 2 ans de règne de l’émir. Les mercenaires doivent venir  en plus, mais à l’heure où nous écrivons ce texte ils sont toujours la seule force sur laquelle le Qatar et son émir peuvent compter en dehors des américains.

5 – En matière d’éducation nationale, un des points forts du Qatar, ce pays marque un palier. Ce qui manque le plus au Qatar pour une partie des élèves et des parents, c’est la motivation. Pour les élèves, voyant quelques fois la fortune de leurs parents, ils peuvent penser qu’ils n’ont qu’à cueillir les fruits. L’autre difficulté est l’insertion dans la vie active, car malgré des diplômes internationaux reconnus on leur préfère des expatriés. Enfin des problèmes de santé croissants empêchent un enseignement suivi. Les parents ont de grandes difficultés à gérer leur carrière et leur maisonnée, dans un pays en évolution culturelle perpétuelle. Les difficultés des couples qatariens avec un taux de divorce digne des grands pays occidentaux n’arrangent pas le manque de motivation des enfants. Aux enseignants, il manque un élément clé pour pouvoir exercer leur métier, la liberté d’entreprendre. De plus en plus, ils sont confinés dans un espace où des coutumes d’une époque révolue et des programmes inadaptés à la mondialisation, tirent vers le bas l’enseignement dispensé dans ce pays et réduit à néant les efforts pour mobiliser les élèves et les parents.

6 – Les finances publiques du Qatar sont impactées par le prix du baril de pétrole qui agit aussi sur le gaz. Alors que le Qatar a construit son budget avec un prix du pétrole à 65 dollars le baril, espérant des marges comme dans le passé, il pourrait être à terme impacté par la baisse brutale actuelle, même si l’on constate une remontée. L’émir Tamim dans son discours devant la 43e session de la Shura, fin 2014,  s’est montré intraitable sur les dérapages budgétaires. Il a mis l’accent sur la rigueur de la gestion du Qatar afin que « de vieilles habitudes de gaspillages ne soient plus de mise ». Finalement le conseil du FMI pour la création d’un organisme de supervision de l’ensemble des projets du Qatar, s’avère être une excellente suggestion pour la maîtrise des grands projets qataris en cours. L’émir Tamim 2 ans  après sa prise de pouvoir essaie de tenir les finances publiques de son pays. La rigueur qu’il impose à son gouvernement est essentielle car les marges qui servaient dans le passé à combler les dérapages du budget de l’état risquent  de disparaitre.

7 – Après avoir investi massivement dans le développement d’une filière gazière intégrée à la fin des années quatre-vingt-dix, le Qatar est devenu le premier exportateur mondial de gaz. Dans une deuxième étape de son développement, le pays s’engage actuellement dans une politique de diversification économique qui a pour objectif de réduire sa dépendance au secteur des hydrocarbures. Une réflexion est en cours au Qatar pour modifier les lois existantes afin de mieux contrôler la création et la vie d’une entreprise. Il existe assez de normes au niveau international qui peuvent servir d’exemple en y ajoutant « la qatari touch », je ne doute pas qu’à terme la solution idéale soit trouvée. Etre créateur d’entreprise c’est avant tout accepter l’idée de prendre des risques financiers, travailler énormément et admettre l’idée de l’échec. Trois raisons qui empêchent un qatarien « ordinaire » de s’embarquer dans cette galère. Il est préférable aujourd’hui pour un qatarien de travailler dans la fonction publique au lieu de s’embarquer dans cette aventure.

8 – Pour l’évolution du droit du travail, promis déjà une bonne dizaine de fois, rien n’a changé dans le royaume du Qatar. Abdullah Saleh Mubarak al-Khulaifi le ministre du travail du Qatar depuis sa nomination en juin 2013 ne cesse de s’enfoncer dans un monde irréel tant la réalité est pour lui difficile à supporter. Pour Amnesty International et la Confédération Syndicale Internationale,  » le Qatar est encore dans la ligne de mire, » pour sa gestion de ses travailleurs étrangers. Amnesty International vient ainsi de juger «insuffisantes» les mesures prises par le Qatar pour limiter les abus contre ces travailleurs migrants, souvent issus de pays pauvres d’Asie et de dire que le Qatar n’a pas tenu ses promesses.

9 – Une des grandes problématiques du Qatar est sa population. Comment sera composée la population du Qatar en 2030?  D’importantes inconnues existent aujourd’hui notamment sur l’évolution de la citoyenneté qatarie avec sans doute un statut de quasi – qatarien en création, mais aussi de l’aggravation de la santé des jeunes qatariens, de l’accélération de l’explosion de la cellule familiale et de l’installation à l’étranger des qatariens. La notion de quasi – qatari devrait se développer dans les prochaines années on trouvera dans cette rubrique, la reconnaissance des enfants de mères qataries avec un père étranger, l’acquisition de la nationalité qatarie sans aucun droit, les contrats à 99 ans, et autres particularités spécifiques aux volontés des dirigeants de ce pays. Ce qui est plus probable est l’évolution de l’économie qatarie, les gros bataillons d’indiens, népalais et autres pays qui fournissent de la main d’œuvre à bas niveau de qualification devraient subir une forte baisse à l’horizon 2020. Ensuite pendant les 10 années suivantes, selon la réussite des secteurs comme les services ou le tourisme nous devrions assister à une arrivée massive de travailleurs « arabes » au Qatar. Le Qatar arrivera-t-il à normaliser ses relations avec l’Egypte, cet élément est primordial pour l’évolution à moyen terme de sa population. Si la confiance ne revient pas, le Qatar recherchera dans le Maghreb et au Moyen Orient le million de travailleurs spécialisés dans les services financiers, le tourisme et autres services aux entreprises et aux personnes.

10 – Comment ne pas perdre son âme en s’insérant dans « le village le monde. » Il faut garder espoir, rappelons-nous cette vieille histoire : « Professeur d’université vieillissant, le professeur Faust rumine les regrets d’une vie manquée quand un démon, Méphistophélès, lui apparaît pour lui proposer la richesse et la jeunesse éternelle en échange de son âme.» Dans l’histoire Faust est sauvé par Marguerite la petite bohémienne qui brûle le pacte de Méphistophélès, qui fera le nécessaire pour le Qatar, pour qu’il ne perde pas son âme ?