Qatar, un simple effet d’optique ?

Peut-on parler de modernisation pour un pays comme le Qatar ou devrait-on employer le terme futurisme ? Et si finalement ce pays virtuel n’était qu’une apparition dans l’immense désert de la mondialisation ?

Qatar un symbole ou une réalité ?

Les innombrables appels téléphoniques que nous recevons sollicitant le Qatar pour une aide, pour un projet, pour une vente d’un bien, que nous renvoyons sur l’Ambassade du Qatar en France, montrent que ce pays, pour certains peut être « un espoir ». D’autres appels arrivent aussi, pour nous demander, pourquoi nous perdons notre temps à parler d’un pays « qui n’existe pas ». Au bout, de  deux ans d’observation de ce petit bout de désert de la péninsule arabique, nous commençons à comprendre les signaux envoyés par quelques « dizaines de milliers de qatariens» personnages d’une histoire sortie des contes « Les Mille et Une Nuits ». Mais plus nous nous rapprochons de la compréhension de ce territoire et de ses habitants, tel un mirage, nous craignons qu’il ne disparaisse. Et si ce pays n’était qu’un simple effet d’optique ?

Il était une fois le Qatar

Si aujourd’hui on interrogeait les responsables des Emirats Arabes Unis ou de l’Arabie saoudite, chacun répondrait, « le Qatar fait partie de notre territoire. » Il faut dire que la découverte du pétrole et ensuite d’immenses gisements de gaz rend envieux de nombreux pays. Celui qui a fait « décoller » le Qatar c’est l’émir Hamad qui a régné de 1995 à 2013. Il a avec sa deuxième femme Scheikha Moza et son premier ministre HBJ « boosté le Qatar », pour le faire passer de la fin du moyen âge au futurisme.

Pourquoi futurisme et non modernisation. Comme l’indique dans un de ses brillants articles le politologue, écrivain et journaliste Abed Charef, « le Qatar, en une génération est passé de la tente au gratte-ciel. » La modernisation aurait impliqué un lent processus d’évolution alors qu’au Qatar ce n’est pas le cas. L’émir Hamad dès sa prise de pouvoir a explosé les codes locaux pour se mettre en satellite autour de la terre et émettre un simple message, « le Qatar existe ». Dans une première démarche il a même « voulu du passé faire table rase » mais a compris rapidement que s’insérer dans le futurisme tel que le décrit l’italien Marinetti «  une déclaration de guerre au passé » peut comporter d’immenses dangers. Si l’émir Hamad avait poursuivi sur ce sentier dangereux il aurait donné raison à ceux qui disent « le Qatar n’a pas d’histoire ». Alors il a pris du futurisme, selon Wikipédia, seulement une partie de sa définition, tout en abandonnant le rejet de la tradition esthétique, « Le futurisme est un mouvement littéraire et artistique européen du début du XXe siècle (de 1909 à 1920), qui rejette la tradition esthétique et exalte le monde moderne, en particulier la civilisation urbaine, la machine et la vitesse.

Du virtuel à la réalité

Le journaliste Abed Charef dans son article « Le Qatar, ami encombrant et ennemi trop facile » nous invite à avoir un nouveau regard sur le Qatar  « Ce qui impose de porter sur le Qatar un nouveau regard, pour tenter de comprendre sa nature, ce qu’il représente, ce qu’il apporte et où va le mener cet itinéraire unique. Sans forcément approuver, ou applaudir. »

L’observation du Qatar depuis presque deux ans nous interroge sur la nature même de la notion de « pays ». Est-ce que quelques dizaines de milliers de personnes forment un pays ? Et si finalement ce pays virtuel n’était qu’une apparition dans l’immense désert de la mondialisation ? Que va devenir cette population de « qatariens », si elle ne fait que naturaliser quelques dizaines de personnes justes pour une manifestation sportive ou un autre évènement mondial ?

Une récente étude indiquait que la génération actuelle pourrait décéder avant celle de ses parents ? Si la population venait encore à baisser qui représentera ce « pays ? » Lorsqu’on parle du Qatar on parle souvent de son image tant les individus deviennent rares. Certes on prête au ministre des affaires étrangères du Qatar ce propos «Un qatari vaut bien toute une nation, » au-delà de la boutade qui peut être désobligeante pour la nation en question, la réalité se fait pressante. Le Qatar doit ouvrir sa citoyenneté avec intelligence, à ceux qui font sa prospérité, faute de quoi à terme il parait redevenir un simple désert.