Le Qatar mobilise trois sages de l’Arabie saoudite

Un geste important de l’Arabie saoudite mais cela suffira-t-il à renouer des liens entre les deux pays. Sans un « aggiornamento » de l’Arabie saoudite le Qatar ne peut remettre en cause sa spécificité.

Le Qatar et l’Arabie saoudite ont deux visions différentes du futur

Pour que trois personnalités aussi importantes de l’Arabie saoudite viennent à Doha pour essayer de  raccommoder les deux frères ennemis cela montre que l’Arabie saoudite accorde de l’importance aux relations avec le Qatar. Le prince Saoud al-Fayçal, le prince Khaled bin Bandar et le prince Mohammed ben Nayef sont à Doha suite au refus par le Qatar de signer un accord global qui définit « le modus vivendi » entre les états du GCC (Gulf Cooperation Council). Le Qatar considère que cet accord a comme objectif de le museler et lui interdire ses amitiés notamment avec les frères musulmans. Le Qatar n’entend pas perdre sa spécificité comme par exemple accueillir sur son territoire les frères musulmans persécutés ou son soutien indéfectible du Hamas. C’est comme si l’Arabie saoudite demandait au Qatar de couper ses racines arabes.

Le Qatar conteste sur le fond la politique de l’Arabie saoudite qui dans les dernières décennies n’a pas porté ses fruits, a contribué à une atomisation du monde arabe et à l’avènement de  deux monstres Al Qaida et l’Etat islamique (EI).  L’idée transversale des « frères musulmans » développée par le Qatar en s’appuyant sur la Confrérie qui a été combattue violemment par l’Arabie saoudite avait comme objectif de donner une apparence démocratique à la gestion des pays arabes pour pouvoir s’intégrer dans la mondialisation et éviter l’isolement  dogmatique de l’Arabie saoudite. Le combat irresponsable conduit par l’Egypte devenu une filiale de l’Arabie saoudite et des Emirats Arabes Unis contre les frères musulmans et le Hamas sont la pierre d’achoppement entre l’Arabie saoudite et le Qatar. Ceci pourrait conduire à terme à une radicalisation de la partie « sombre » des frères musulmans et créer un troisième monstre qui pourrait faire alliance avec ce qu’il reste du premier Al Qaida et du second l’Etat islamique (EI).

Le Qatar ne veut pas perdre sa spécificité

Si l’affaire du prédicateur Qaradawi peut se régler en moins d’une heure, ainsi que l’octroi de la nationalité à des Bahreïni,  il ne peut être question pour le Qatar de mettre en sommeil sa chaine Al Jazeera. Or parmi les différents qui opposent les pays du GCC (Gulf Cooperation Council), la façon pour Al Jazeera de mettre en valeur leurs déboires passe mal. Là encore la solution existe puisque le Qatar a une totale main mise sur les organes directeurs de cette chaine et de son personnel dirigeant. Pourquoi le Qatar donnerait raison aux trois pays qui ont retiré leurs ambassadeurs depuis le mois de mars, l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Bahreïn alors que des différences aussi importantes existent entre eux et le Qatar.

Le choix par le Qatar d’organiser la Coupe du Monde 2022 est l’exemple même d’un évènement qui partagé entre états du GCC et conduit par le Qatar aurait pu être une démonstration mondiale de la fraternité arabe socle d’un monde musulman qui ne recroqueville pas mais qui s’ouvre à la planète entière. Aujourd’hui il serait encore temps, huit ans avant l’événement de partager cette fête mondiale du sport. Là encore la différence entre le wahhabisme qatarien et saoudien démontre que le Qatar a intérêt à garder sa spécificité.  D’une manière générale beaucoup de différences existent entre l’Arabie saoudite et le Qatar, celui-ci a tendance à croire qu’il va vers la lumière, qui parfois peut être agressive, mais n’entend pas en perdant sa vision spécifique retourner vers les ténèbres ou s’enfonce l’Arabie saoudite.

Proposer un accord aujourd’hui au Qatar sans que l’Arabie saoudite fasse son « aggiornamento » revient au même que si Israël propose un accord aux habitants de Gaza sans lever le blocus et permettre le développement économique de l’ensemble de la Palestine qui engendrera à terme une démilitarisation et la construction d’une armée d’Etat. Pour qu’un accord puisse raisonnablement se traduire dans les actes et être accepté par le Qatar, l’Arabie saoudite et ses filiales doivent lever la pression sur les frères musulmans, leur enlever l’étiquette de terroristes qui n’a pas lieu d’être et constater que la crainte d’une prise de pouvoir généralisée par la Confrérie n’est pas pour les prochaines décennies car ils ont eux-mêmes fait preuve d’incapacité à être des véritables gestionnaires d’états.