Qatar, visionnaire ou mégalo

Doha veut créer des « espaces » qui devraient synthétiser les hauts lieux de notre planète. Depuis mars 2014 ce pays a entrepris de créer « Place Vendôme ». Les qataris sont-ils visionnaires ou mégalos ?

 

Les « fous d’affaires » qataris

Après avoir créé « Le Villagio » à l’image de Venise, voici le Qatar parti dans une autre aventure, la création de l’inimitable « Place Vendôme » parisienne. Les travaux ont démarré en mars de cette année 2014 et devraient se terminer en théorie fin 2017. En connaissant la réalité qatarie, si les travaux se terminent mi-2020 on pourra s’estimer heureux. Mais pourquoi les qataris s’embarquent dans cette étrange aventure, sont-ils visionnaires ou mégalos ?

L’idée qui conduit quelques qataris « fous d’affaires » est de transformer leur pays en un gigantesque « bazar » où on peut trouver ce qui se fait de plus beau et luxueux sur terre. Ceci devrait, d’après eux, attirer les riches « acheteurs » de la planète qui en profiteraient pour regarder les plus belles œuvres du monde dans les musées qataris et se reposer sans doute quelques jours dans des palaces exceptionnels. Le Qatar rêve d’attirer la clientèle la plus fortunée du monde sur son petit bout de territoire. Il construit à coup de milliards des espaces exceptionnels où ces riches milliardaires vivent entre eux dans un endroit ultra-sécurisé.

Or cette idée-là, a déjà été vendue des dizaines de fois à travers le monde et quelque fois près du Qatar dans les Emirats Arabes Unis avec les résultats que l’on connaît.  La difficulté avec ces hommes « fous d’affaires », ils sont à la fois extrêmement brillants mais aussi d’un infantilisme attachant et dangereux. Le problème avec « ces nouveaux riches » au Qatar, en Russie ou dans d’autres endroits au monde, ils se prennent pour « Dieu », poussés par leur « staff » et quelques officines capables de réaliser tout et n’importe quoi. Pressés par les quelques années qu’ils vivent sur terre, ils souhaitent bouleverser le monde et marquer le temps. C’est ainsi alors qu’il a fallu plusieurs centaines d’années pour créer la « Place Vendôme » et son ambiance, un qatari « brillantissime » en seulement une décennie va changer l’histoire. Il oublie juste un détail la  « Place Vendôme » n’est pas un Skylab dont on fait un « copier-coller » et que l’on reproduit ailleurs, elle est située en France, un pays chargé d’histoire. Ce projet de la « Place Vendôme » au Qatar, ressemble à ces milliardaires qui achètent un château Ecossais, le démontent et le remontent dans un contexte complètement différent.

Au dessus des nuages

Deux éléments devraient aider ces « fous d’affaires », à voir un autre point de vue que leurs courtisans habituels, l’entreprise de luxe Le Tanneur et le restaurant, de haut de gamme, à Doha Guy Savoy.

Élément un : depuis que Le Tanneur a été acheté par les qataris malgré des campagnes de publicité importantes et ruineuses, cette entreprise ne décolle pas dans un  marché complexe. L’apport d’une nouvelle clientèle par les qataris s’est avérée complétement éphémère.

Elément deux : Il y a un envers du décor à l’eldorado qatari. L’offre de restauration de luxe à Doha est sans doute trop importante pour un pouvoir d’achat bien limité pour l’essentiel de la population. Le célèbre restaurant français Guy Savoy vient d’en faire les frais, deux ans après son ouverture,  il ferme car ce n’est pas assez rentable.

Il y a moins de vingt ans, le Qatar était en grande difficulté financière, il a fait quelques bons choix qui ne l’appauvrissent pas et participent à desserrer la dépendance aux hydrocarbures, on peut considérer qu’il était visionnaire. Depuis quelques années il a franchi la frontière qui sépare le visionnaire du mégalo.

Il y a quelques jours l’émir Tamim est allé prier avec des étudiants pour invoquer le Seigneur, afin qu’il fasse pleuvoir sur le Qatar. Il devrait la prochaine fois demander aux « fous d’affaires » de venir prier avec lui, pour que le Seigneur leur rende la raison et qu’ils redécouvrent les vertus simples du bâtiment, si on construit vite et sur du sable, il est fort probable que tout s’écroule.