
Belgrade, juin 2025. Derrière les façades flambant neuves et les rubans coupés en grande pompe, la Serbie moderne cache un mal profond : une corruption enracinée dans les grands chantiers publics. L’effondrement de la gare de Novi Sad, rénovée par des entreprises chinoises, a mis en lumière un système où les infrastructures servent autant à bâtir qu’à dissimuler.
La gare de Novi Sad : vitrine brisée d’un partenariat opaque
Le 1er novembre 2024, le toit de la gare de Novi Sad s’effondre, tuant 16 personnes. Le bâtiment venait d’être rénové dans le cadre du projet ferroviaire Belgrade–Budapest, financé par un prêt chinois de 3 milliards d’euros.
- Le chantier avait été confié à un consortium sino-européen (China Communications Construction Company, China Railway International, Egis, Utiber) sans appel d’offres public.
- Des lanceurs d’alerte révèlent que la structure a été affaiblie par des ajouts non prévus et des matériaux de mauvaise qualité.
- 13 personnes, dont un ancien ministre, sont inculpées pour négligence grave.
« La corruption ne tue pas seulement la démocratie. Elle tue des gens », résume un manifestant à Novi Sad.
Des chantiers à haut risque
La gare n’est pas un cas isolé. Depuis dix ans, la Serbie a multiplié les projets d’infrastructure : autoroutes, mines, usines, lignes ferroviaires.
- Zijin Mining, entreprise chinoise, a investi 3,8 milliards de dollars dans une mine de cuivre à Bor.
- L’usine de pneus LingLong, à Zrenjanin, a été accusée de travail forcé et de violations environnementales.
- Des dizaines de projets ont été lancés sans étude d’impact ni consultation publique.
Un système verrouillé
Le « miracle serbe » repose sur un clientélisme bien huilé :
- Les appels d’offres sont rares, les contrats classés « secrets défense ».
- Les entreprises proches du pouvoir raflent les sous-traitances.
- Les institutions de contrôle (tribunaux, Cour des comptes, agences anti-corruption) sont sous influence politique.
« Ce n’est pas un État de droit, c’est un État de deals », ironise un urbaniste belgradois.
Une diplomatie du béton
La Serbie joue sur plusieurs tableaux :
- Elle reçoit des fonds européens pour des projets encadrés.
- Mais elle privilégie les investissements chinois, plus rapides, moins contraignants… et plus opaques.
- Résultat : des infrastructures parfois bâclées, souvent surdimensionnées, rarement durables.
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