Cour des comptes : recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage

La présente note de la Cour des comptes fait partie d’un ensemble de travaux destinés à contribuer à la revue des dépenses engagée par le Gouvernement dans la perspective des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2024.

SYNTHÈSE – juillet 2023

Depuis 2021, divers travaux de la Cour des comptes ont porté sur l’alternance et sur la formation professionnelle des salariés, qui ont mobilisé 21,8 Md€ de financements publics en 2022. La présente note en constitue la synthèse.

La libéralisation du cadre de la formation professionnelle des salariés et de l’alternance par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les incitations au recours à l’apprentissage et au compte personnel de formation (CPF) et l’absence de limite posée au financement de ces deux dispositifs sont à l’origine d’une très forte dynamique de la dépense. Cette dynamique n’est pas prioritairement orientée vers la réponse aux besoins des populations les moins qualifiées, qui sont pourtant celles qui en tireraient le plus grand bénéfice. Les objectifs visés par la réforme de 2018 sont essentiellement d’ordre quantitatif (plus de 837 000 nouveaux contrats d’apprentissage et plus de 2 050 000 utilisateurs actifs du CPF en 2022) sans préoccupation suffisante quant à l’utilité de la dépense.

Le coût pour les finances publiques s’est élevé en 2022 à plus de 16,8 Md€ pour la seule politique d’alternance (essentiellement le coût des contrats d’apprentissage, mais aussi des contrats de professionnalisation et le dispositif de promotion ou de reconversion par l’alternance des salariés, dit « Pro-A » pour 10 Md€ et le coût des aides à l’embauche d’alternants pour 4,8 Md€) ; il est moindre pour le compte personnel de formation (CPF), qui a cependant atteint 2,5 Md€.

Compte tenu de ces montants très élevés et de la dynamique de la dépense, se pose aujourd’hui la question du dimensionnement du soutien public à ces dispositifs dans un contexte économique favorable à l’emploi, caractérisé par un taux de chômage qui a atteint 7,1 % au premier trimestre 2023. La question se pose particulièrement pour l’apprentissage avec un objectif annoncé d’un million de nouveaux contrats par an à horizon 2027 alors que son financement n’est pas pleinement assuré.

La dynamique de la dépense, combinée à des leviers de régulation à portée limitée et des ressources insuffisantes, est à l’origine d’un déficit inédit du système de formation professionnelle et d’apprentissage. En 2022, sans le secours de 4 Md€ de dotations exceptionnelles de l’État complétant les concours bancaires négociés à hauteur de 2,6 Md€, France compétences – l’opérateur créé en 2019 pour réguler et financer le système de formation professionnelle et d’alternance – se serait trouvé en situation de cessation de paiement dès le mois de septembre. Malgré la reprise économique constatée dès le second semestre 2021, les mesures nécessaires à l’équilibre financier du système n’ont pas été prises. Il importe, à court terme, de :

• mieux cibler la dépense publique vers des publics prioritaires et pour des actions vraiment utiles à la montée en qualification des actifs ;

• renforcer les exigences en matière de qualité des formations et de lutte contre la fraude ;

• instaurer un pilotage stratégique des priorités intégrant l’enjeu de soutenabilité financière du système de formation professionnelle des salariés et d’alternance.

La Cour des comptes rappelle en annexe les 12 principales recommandations formulées dans ses publications récentes sur la formation professionnelle et l’alternance pour améliorer la qualité de la dépense et le fonctionnement du système.