ONU : aide humanitaire immédiate à l’Afghanistan

Le Conseil de sécurité décide que, pour une durée d’un an, l’aide humanitaire apportée à l’Afghanistan ne constituera pas une violation du régime de sanctions.

Communiqué de presse du 22 décembre 2021

Se déclarant « profondément préoccupé » par la situation humanitaire qui règne en Afghanistan, le Conseil de sécurité a adopté, ce matin, à l’unanimité de ses membres, une résolution en vertu de laquelle, pour une durée d’un an, l’aide humanitaire apportée à ce pays ne sera pas considérée comme une violation du régime de sanctions visant des entités liées aux Taliban.  Une disposition qui ne constitue en rien une « carte blanche » offerte aux Taliban pour qu’ils bafouent leurs obligations au regard du droit international, a précisé la délégation des États-Unis, porte-plume du texte.

Les termes exacts de la résolution 2615 (2021), soumise par les États-Unis, sont que, « pendant une période d’un an, l’aide humanitaire et les autres activités qui visent à répondre aux besoins essentiels des personnes en Afghanistan ne constituent pas une violation du paragraphe 1 a) de la résolution 2255 (2015) », laquelle prévoyait de « bloquer sans retard les fonds et autres avoirs financiers et ressources économiques » des personnes et entités désignées comme Taliban ou associées à eux. 

Sont ainsi autorisés, durant cette période, « le traitement et le versement de fonds, la remise d’autres avoirs financiers ou ressources économiques, et la fourniture de biens et de services nécessaires à l’acheminement de cette aide en temps voulu ou au soutien de ces activités ». 

Le Conseil encourage toutefois « vivement » les prestataires de l’aide humanitaire à « faire tout ce qu’ils peuvent raisonnablement pour que les avantages que pourraient tirer des personnes ou entités inscrites sur la Liste relative aux sanctions imposées par la résolution 1988 (2011), que ce soit à la suite d’une fourniture directe de l’aide ou d’un détournement, soient réduits au maximum ».   

Le Coordonnateur des secours d’urgence est prié par le Conseil de faire un exposé « tous les six mois à compter de l’adoption de la présente résolution », sur l’aide humanitaire fournie à l’Afghanistan, en y précisant l’éventuel « versement de fonds à des personnes ou entités désignées ou au profit de celles-ci », « tout détournement de fonds par celles-ci » et « tout obstacle rencontré dans le cadre de la fourniture de l’aide ».  

La délégation des États-Unis s’est félicitée de l’adoption d’un texte qui couvre les besoins urgents des populations les plus vulnérables en Afghanistan, y compris la réinstallation, l’approvisionnement en eau et les efforts de lutte contre la pandémie de COVID-19.  Insistant sur le fait que des informations régulières sur la mise en œuvre de la résolution devront être fournies au Conseil afin d’éviter tout détournement de l’aide humanitaire sur le terrain, elle a également assuré que les exemptions au régime des sanctions prévues par le texte ne constituent en rien une « carte blanche » offerte aux Taliban pour qu’ils bafouent leurs obligations au regard du droit international. 

La Fédération de Russie et la Chine ont, elles, fait valoir que l’objectif de ce texte, fruit de négociations ardues, est de permettre l’acheminement immédiat d’une aide humanitaire en Afghanistan afin d’éviter des « répercussions catastrophiques » à ce pays.  

Pour ce faire, a souligné la délégation russe, l’aide ne doit pas être considérée comme une violation du régime de sanctions et doit donc pouvoir « passer par tous les canaux prévus à cet effet ».  Sur la même ligne, la Chine a indiqué que, dans sa mouture initiale, le texte soumettait les activités humanitaires à « certaines conditions », au risque de les entraver, ce qui n’est plus le cas dans sa version finale.

Ces deux délégations ont d’autre part relevé qu’au-delà de la crise humanitaire qu’il traverse, l’Afghanistan souffre d’un manque cruel de liquidités qui l’empêche de se relever économiquement.  Dénonçant de concert le gel d’avoirs afghans à l’étranger, elles ont plaidé pour une restitution de ces actifs à leurs bénéficiaires, ce qui contribuerait non seulement à relancer l’économie mais également à lutter contre des activités illégales comme le narcotrafic.  Hostile à ce qu’elle a qualifié d’« outil de chantage », la Chine a jugé que le Conseil devrait, par conséquent, envisager une révision du régime des sanctions afin d’empêcher des retombées négatives sur l’économie afghane. 

Si le Royaume-Uni s’est réjoui que la résolution réponde à ce que la communauté humanitaire « considère être nécessaire », sans pour autant permettre aux personnes et entités visées par les sanctions de bénéficier de cette assistance, la France a regretté que la « limite temporelle à l’exemption humanitaire », telle qu’elle figurait dans le texte négocié, ait été retirée du texte final par le porte-plume, et ce, sans consultation avec les autres délégations.  Elle a été rejointe par l’Irlande, selon laquelle la durée d’un an prévue par la résolution ne doit en aucun cas être interprétée comme « une période durant laquelle les Taliban pourront faire ce qu’ils veulent ». 

Les dispositions adoptées ne visent pas à garantir des exemptions aux personnes sous sanctions, mais à permettre que l’aide humanitaire atteigne ceux qui en ont le plus besoin, a insisté l’Estonie, non sans souligner que, par ce texte, le Conseil enjoint également les Taliban à se conformer aux normes et règles du droit international, y compris le droit international des droits de l’homme et les protections constitutionnelles dont doivent jouir tous les Afghans, y compris les femmes, les filles et les personnes appartenant à des minorités.  L’aide humanitaire doit être inclusive, a renchéri l’Inde, qui s’est cependant déclarée soucieuse du respect des principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D’ACTES DE TERRORISME

Texte de la résolution 2615 (2021) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 8941e séance, le 22 décembre 2021