Doha 10 août 2018, une crise profonde et durable dans le Golfe arabique

Un universitaire travaillant au Qatar indiquait récemment que la crise entre le Qatar et ses boycotteurs pouvait s’arrêter aussi vite qu’elle avait commencé, certes, mais tôt ou tard elle reprendrait car rien n’a été réglé.

Le Qatar est un pays en construction

Dire du Qatar que c’est un pays alors que la population locale dépasse à peine 306 000 habitants sur un espace assez désertique de 11 571 km², c’est pousser le bouchon un peu loin.

Indépendant depuis 1971, le Qatar est sous l’emprise du clan Al Thani qui conduit ce « territoire, » situé à un bout de la péninsule arabique, de main de maître. Un petit commando autour des Al Thani, issu des grandes familles du Qatar, se partage le pouvoir et les revenus découlant des hydrocarbures dont l’élément premier est le gaz.

Il y a bien une histoire propre au territoire occupé par le Qatar, comme d’ailleurs sur chaque partie de la péninsule arabique, mais rien qui ressemble à la constitution d’un état par le passé, tout au plus quelques tribus qui se fixent dans un lieu, quelques pécheurs de perles et un peu de piraterie.

Si par le passé cet espace a intéressé de nombreux peuples, c’est avant tout pour sa place stratégique, au milieu du Golfe persique entre l’Arabie saoudite et l’Iran.
Dans les années soixante, un journaliste qui visitait Doha, la capitale du Qatar, était surpris par sa pauvreté immobilière et notait que le maître des lieux était surtout le vent qui balayait ce bout de désert.

On peut dire qu’en moins de 50 ans, Doha a changé du tout au tout. Le clan Al Thani a changé la face de Doha et du Qatar en développant une puissante industrie du gaz et du pétrole. Les gratte-ciel et immeubles ont poussé comme des champignons. Le Qatar ressemble à un pays sans âme.

L’Arabie saoudite et ses satellites ont manqué de courage le 4 juin 2017 au soir.

Le clan Al Thani et quelques tribus ont mis la main sur une partie de la péninsule arabique et entendent bien conforter les frontières actuelles, sachant que le grand frère saoudien regarde avec attention la réussite de ce petit commando qui dirige le Qatar.

Les dirigeants qataris ne manquent pas d’imagination pour « exister » au niveau mondial. Investissements mondiaux, grâce à leur fonds souverain, soutien de nombreuses causes, parfois seuls comme la solidarité avec le Hamas Palestinien, création d’un espace de communication avec Al Jazeera, participation dans le secteur footballistique avec l’acquisition du Paris Saint Germain et l’obtention de la Coupe du monde 2022, association avec un groupe politico-religieux, les Frères Musulmans, …

Les autorités du Qatar ont créé l’illusion d’un pays, un de ces mirages qui se transforme en oasis au milieu du désert. Or, plus le temps passe, plus le bouclier autour des 306 000 qataris se consolide avec ses 2,4 millions d’expatriés qui vivent, travaillent et parfois meurent au Qatar.

L’histoire moderne du Qatar pouvait s’arrêter le 4 juin 2017 avec la capture de l’actuel émir du Qatar Tamim bin Hamad al Thani et son père l’ancien émir. Or, l’Arabie saoudite et ses satellites ont manqué de courage, pourtant ils avaient le feu vert du nouveau président américain Donald Trump.

Ce manque de courage leur coûtera cher, car dans quelques mois les premiers avions de combats seront livrés au Qatar et depuis cet acte manqué le jeune émir renforce son alliance avec les turcs qui chaque jour, discrètement, envoient des militaires dans ce pays.

Un universitaire travaillant au Qatar indiquait récemment que la crise entre le Qatar et ses boycotteurs pouvait s’arrêter aussi vite qu’elle avait commencé, certes, mais tôt ou tard elle reprendrait car rien n’a été réglé.

Pour l’Arabie saoudite et ses alliés, le Qatar demeurera toujours incontrôlable et chaque jour il se renforce un peu plus. Il faudra bien affronter le problème tôt ou tard, tout compromis est impossible, le Qatar se mêlera toujours de ce qui se passe chez ses proches voisins car il y va de sa survie.