Le Qatar est-il encore un pays wahhabite ?

Les conservateurs qatariens ne représentent que quelques dizaines de milliers de personnes sur les 2,6 millions de résidents, se préparent-ils à l’évolution du  Qatar ?

Le Qatar pourrait bien devenir un modèle religieux et participer à la création du « futur désirable »

Un lecteur me racontait que lors de la dernière fête d’Halloween, ce ne sont pas les conservateurs qataris qui sont montés au créneau pour réduire cette festivité à son stricte minimum, mais bien, les conservateurs catholiques. Mieux, tout est parti d’une famille française catholique dont le mari est un haut responsable d’une grande compagnie pétrolière qui a pignon sur rue à Doha. Ce brave homme a fait savoir au Ministre du Waqf et des Affaires islamiques, Ghaith Moubarak al-Kuwari que cette fête « païenne » perturbait l’éducation de ses enfants. Les consignes furent rapidement données pour que le Lycée en question s’en tienne avant tout au programme scolaire qui ne prévoit pas ce type de manifestation.

Au-delà de ce fait, ce qui me paraît intéressant, c’est le silence des familles qataries dans cet établissement qui finalement ont fait la différence entre festivités et religion. Il est certes difficile d’en tirer des conclusions, mais cet épisode de la vie à Doha rejoint des dizaines d’autres actes qui montrent qu’un mouvement de fond coule dans les rues de Doha et du Qatar. Sans renier leur pratique islamique, les qatariens évoluent bien plus vite que ce qu’on croit sur ce sujet.

A la question d’un lecteur qui me demandait si les conservateurs religieux qataris, d’obédience wahhabite pesaient encore au Qatar, je répondrais, par l’affirmative. Et d’ajouter, que même s’ils ne sont que quelques dizaines de milliers de personnes sur les 2,6 millions de résidents, c’est bien leur propre vision du wahhabisme qui évolue. Qui aurait pu imaginer qu’une jeune fille puisse se rendre à l’étranger « sans un chaperon » finir ses études ? Ou, tous ces jeunes hommes qui sont envoyés, sans véritables préparation, dans les campus universitaires américains ou européens ? La vraie bataille de l’évolution du wahhabisme qatari se livre sur la jeunesse, les pré-ados, entre 8 et 14 ans.

 

Au moment où la crise en cours depuis le 5 juin 2017 accentue les passions, on peut se demander si le wahhabisme saoudien et celui du Qatar sont encore compatibles. Les autorités qatariennes feraient bien de se demander si mettre dans leur Constitution que le Qatar est un pays wahhabite n’est pas une erreur fondamentale ? Les savants religieux qatariens devraient s’interroger, doit-on mêler notre Créateur à tous, à nos petites affaires politiques et quotidiennes ou avoir confiance dans sa grande sagesse et à l’auto-détermination des hommes ?

L’auto-détermination, n’est-ce pas ce qui est entrepris au Qatar, quand on demande à la jeunesse qatarienne d’affirmer avec force ses choix de vie et notamment de carrière professionnelle ? Nous aurons l’occasion de revenir à plusieurs reprises sur la jeunesse qatarienne et le fait religieux au Qatar, mais que nos lecteurs soient bien sensibles à cette évolution dans ce pays.

Ceci pourrait aussi expliquer pourquoi les saoudiens s’affolent devant le « fait religieux » à la qatarienne et être la véritable raison du boycott initié le 5 juin 2017. Le Qatar pourrait bien devenir dans les années à venir un modèle religieux et favoriser « le vivre ensemble », ce qui pourrait lui valoir la haine de nombreux extrémistes ou de ceux qui sont incapables d’imaginer « un futur désirable. »