L’Arabie saoudite veut porter le coup de grâce aux Frères Musulmans

Elle fait pression sur l’émir Tamim pour qu’il arrête de les soutenir. L’Arabie saoudite attend un geste fort de Tamim rapidement. Mais un risque existe de jeter le Qatar dans les bras de l’Iran.

L’Arabie saoudite veut la destruction totale de la Confrérie

Les autorités saoudiennes depuis de nombreuses années ont mis fin à leurs relations avec la Confrérie des frères musulmans craignant de ne pas les maîtriser. Or, la prise en main des printemps arabes par la Confrérie a démontré aux saoudiens que leur crainte était fondée. Depuis ils détruisent systématiquement  tout ce qui touche à la Confrérie. Le point central était l’Egypte. Après un accord et des garanties données aux américains, les saoudiens reprennent leur place de leadership du monde arabe.

Terminer la destruction des frères musulmans passe par la coupure entre ceux- ci et leur principal financeur le Qatar. Lorsque Tamim était allé en Arabie saoudite et  visité les autres pays du Golfe, il avait entendu de partout le même message « il faut rompre avec les frères musulmans ». Non seulement rien n’a été fait mais les prêches incendiaires du prédicateur officiel de la Confrérie Youssef Qaradaoui  ainsi qu’un récent attentat à Bahreïn, ont mis le feu aux poudres. L’Arabie saoudite vient de décider de contraindre Tamim à lâcher la Confrérie des frères musulmans. Tamim a-t-il envie de faire plaisir à l’Arabie saoudite ?

Ce matin en amassant ses chars devant la frontière de l’Arabie saoudite il démontre le contraire. Il ne faut pas oublier que son père l’ancien émir Hamad est toujours à la manœuvre et celui-ci ne fait aucune confiance à  l’Arabie saoudite qui considère que le Qatar n’est rien d’autre qu’une de leurs provinces. Tamim affrontera-t-il son père qui tient encore toutes les ficelles du royaume qatari ?

Que peut-il faire dans les jours à venir ? En premier lieu s’assurer que les américains sont fiables en cas d’invasion de l’armée saoudienne. L’accord qui le lie aux américains n’a pas été mis à l’épreuve. Or, ce sont bien ces mêmes américains qui ont lâché sans hésiter les frères musulmans qu’ils avaient aidé à s’organiser. En deuxième lieu, passer commande rapidement de matériels militaires afin d’assurer une défense aérienne plus efficace qu’aujourd’hui. En troisième lieu, fortifier son armée en y intégrant des qataris. C’est ce qu’il vient de faire mais il faut accélérer le mouvement. En quatrième lieu, sacrifier Qaradaoui pour lui permettre de gagner du temps. Mais cela ne suffira pas pour faire baisser le travail entrepris par les saoudiens, faire disparaitre la Confrérie et ramener le Qatar à sa place c’est-à-dire à un vague médiateur qui paie à la place des autres.

L’affrontement avec l’Arabie saoudite est inévitable

Si le Qatar accepte la destruction des frères musulmans, son image dans le monde arabe qui est déjà ambiguë deviendra détestable. Il se privera aussi d’une force d’appoint dans les différents pays du Golfe et du Moyen Orient voire de l’Afrique du Nord, des années de travail et des milliards d’investissements qui partent en fumée. L’ancien émir Hamad ne peut l’accepter, l’émir Tamim ne peut le permettre.

Et puis qui peut croire que l’on peut détruire une idée, celle des frères musulmans ? Le général Sissi en Egypte qui met tout en œuvre pour affaiblir les frères musulmans souvent par la terreur, n’a aujourd’hui réussi à détruire que le haut de l’iceberg. L’histoire démontre en Egypte comme ailleurs que la tendance « forte » des frères musulmans prend le dessus lorsque la tendance officielle est affaiblie. Il faut s’attendre à une montée en charge d’actes terroristes dans le Golfe et aux alentours car la partie « forte » des frères musulmans ne se laissera sans doute pas détruire aussi facilement. Tout cela l’émir Tamim le sait.

Une des solutions possibles est un accord militaire avec l’Iran avec tous les risques que cela comporte. Certes, il y a la problématique religieuse mais le Qatar donc Tamim est capable de tout pour que son pays survive.

A ce moment de l’histoire, trop d’inconnues existent pour qu’une solution réaliste émerge. La plus probable aujourd’hui c’est l’affrontement «  dans les mots » entre l’Arabie et ses deux satellites les Emirats et Bahreïn contre le Qatar. En réserve le Koweït et Oman pour jouer les conciliateurs si l’affaire prend une allure guerrière.  La prochaine étape sauf énervement va être l’asphyxie économique du Qatar par le captage des sous-traitants. Plusieurs de mes correspondants me signalent depuis quelques semaines une volonté de l’Arabie saoudite et des Emirats Arabes Unis de relancer quelques projets économiques pour capter les sous-traitants qui travaillent actuellement au Qatar, en y mettant les moyens financiers nécessaires.

C’est une autre façon de faire la guerre mais elle peut peser. Hier, l’annonce du retrait des ambassadeurs des trois pays a fait chuter la bourse du Qatar. Les moyens dont disposent aujourd’hui l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis et Bahreïn sont largement supérieurs à ceux des qataris. Cela aussi Tamim le sait.

Son choix va être d’affronter l’Arabie saoudite publiquement, muscler de toute urgence son armée, se rapprocher de l’Iran, mener une bagarre économique en réduisant certaines dépenses internes, renforcer ses liens avec les frères musulmans officieusement et demander aux américains de les protéger. Tamim sait qu’il joue sa place en cas d’échec, l’Arabie saoudite a déjà un remplaçant possible à sa place… L’histoire devrait s’accélérer…