La justice du Quai

Bernard-Louis Laporan produit un article où il analyse le rôle du Quai d’Orsay sur l’affaire Marongiu.  Une politique à géométrie variable selon le lieu et les interlocuteurs.

 

Honni soit ceux qui osent dénigrer les services diplomatiques !

 Il est limpide que les affaires étrangères françaises ne sont pas des autorités judicaires, ni en France ni au Qatar, et qu’elles n’ont pas compétences à traiter ni affaires juridiques ni  judiciaires. Il semble en être de même pour « le conseiller juridique » (anciennement son avocat-conseil) de l’ambassade de France au Qatar. Qui se ressemble…

Madame le Ministre Helen Conway-Mouret le 19 novembre 2013 : « Les campagnes de dénigrement dont font l’objet nos services diplomatiques et consulaires au Qatar sont injustes et infondées. Je veux exprimer une nouvelle fois la confiance du Gouvernement envers ce personnel qui se dévoue au sein de nos services à l’étranger, pour protéger et défendre nos compatriotes lesquels sont tenus, faut-il le préciser, de respecter la législation en vigueur dans les pays dans lesquels ils résident. » 

Mais tout de même, si nos autorités diplomatiques ne sont pas ni des avocats ni des juges, il semble qu’elles aiment à compenser ce manque en jouant les justiciers,  comme on peut le lire dans les points de presse ci-dessous :

Point de presse du quai d’Orsay du 20 janvier 2014 : 4. Indonésie – Libération de M. Michaël Blanc.

Q – Quel est aujourd’hui le plus ancien détenu français à l’étranger, dans quel pays et pour quelles raisons est-il prisonnier ? Merci aussi de nous préciser le nombre aujourd’hui de Français détenus dans des prisons dans le monde, est-ce toujours 2.000 ?

R – 2.198 de nos ressortissants sont aujourd’hui détenus à l’étranger. La situation de chacun d’entre eux est suivie avec la plus grande attention par les services du ministère des affaires étrangères et par nos ambassades et consulats qui leur assurent au quotidien la «protection consulaire» : visites sur leur lieu de détention pour s’assurer de leur état de santé et de leurs conditions de détention, présence aux audiences judiciaires, aide et soutien aux familles.

S’agissant de votre première question, nous ne communiquons pas sur l’identité ou la situation personnelle des détenus, par respect de leur vie privée et de leur famille.

Il apparait que ce qui est applicable à 2.198 ressortissants français  détenus à l’étranger concernant le respect de leur vie privée et de leur famille ne le soit pas à ceux qui sont détenus au Qatar, comme on peut le lire dans les déclarations et points de presse ci-dessous :

 Qatar – Rétention de ressortissants français – Réponse de la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, Mme Hélène Conway-Mouret, à une question au Sénat (Paris, 19/11/2013)

M. Marongiu, en revanche, est détenu après une condamnation pénale. Les conventions internationales nous interdisent de nous immiscer dans les affaires pénales qatariennes. Notre consulat a toutefois proposé de lui rendre visite, et l’ambassade a veillé à ce qu’il dispose d’un avocat. Il a obtenu à titre exceptionnel du procureur général du Qatar un avocat commis d’office pour l’affaire des chèques sans provision pour laquelle il n’en disposait pas.

 On pourra noter que Madame la Ministre n’hésite pas à déclarer que Jean-Pierre Marongiu est soumis à une condamnation pénale et qu’il est partie d’une affaire de chèques sans provisions. On peut aussi noter qu’elle ne dit pas la vérité à propos de l’avocat qui en réalité n’a pas été trouvé par l’ambassade et n’a pas été commis d’office mais trouvé par Jean-Pierre et un de ses amis français du Qatar.

Peut-être aurait-elle du succès dans les rôles de Wonder-Woman ou de Cat-Woman, les femmes justicières?

 

Son Excellence dans le Gulf Times du 26 octobre 2013

Pour la bonne bouche, venons en a la déclaration inoubliable de son excellence l’ambassadeur de France dans Gulf-times, (Deux jours après la diffusion d’envoyé spécial « la face cachée du Qatar »  sur France 2).

When probed about the cases of French citizens, including footballer Zahir Belounis, trainer Stephane Morello and entrepreneurs Nasser al-Awartany and Jean-Pierre Marongiu who reportedly could not leave Qatar unless they resolved their issues with their local sponsors, the ambassador said that he was “optimistic” about the outcome.

“I think we are close to a solution in at least some cases. I want to say that there is a lot of goodwill from the Qatari authorities and the French embassy to find a way out. None wants to make it a problem between us and Qatar because it is not. These are problems between some French citizens and their sponsors and employers,” he said.

The envoy said that as a French representative he could only exert assistance to his citizens without interfering into Qatar’s judicial procedures. “In France, for example, we don’t like anyone to interfere in our judicial procedures. It’s natural that we do not interfere (also),” he said.

Son optimiste Excellence n’hésite pas à jeter en pâture publique les noms de ses compatriotes à qui il n’apporte aucune assistance positive, et mélange tout dans le même panier: deux français qui sont retenus au Qatar par des sponsors qui leur refuse l’exit permit, un entrepreneur français qui a un cas différent  et Jean-Pierre qui est incarcéré depuis le 09 septembre 2013 à Doha.

 

Faisons maintenant un petit tour du coté de Bahreïn…..

26/08/2013 – Paris – Point de presse M. Marongiu.

Q – Le Parisien a publié samedi plusieurs articles concernant Jean-Pierre Marongiu, Français retenu au Qatar, dont l’avocat met en cause la diplomatie française. Avez-vous un commentaire ?

R – Certains articles ont en effet présenté la situation de M. Marongiu ainsi que l’action du ministère et de nos ambassades au Qatar et au Bahreïn de manière au mieux inexacte.
En raison de contentieux au Qatar, M. Marongiu fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire de ce pays. L’ambassade de France au Bahreïn a tenté de le dissuader de rejoindre illégalement Manama pour se rendre à Nice, rappelant qu’une ambassade ne peut aider un de ses ressortissants à se soustraire à la justice. M. Marongiu n’a pas tenu compte de cette mise en garde, il est entré au Bahreïn où il a été interpellé et renvoyé vers le Qatar.

L’ambassade de France au Qatar, de même que l’ambassade de France au Bahreïn, a toujours répondu aux sollicitations de M. Marongiu comme elle porte assistance à tout ressortissant français qui fait appel à ses services consulaires. Elle lui a apporté toute l’aide consulaire nécessaire et elle continuera de le faire.

En matière de « justicier », on peut attribuer la palme a cette ambassade qui avait décidé unilatéralement que Jean-Pierre ne devait pas être soustrait à la justice du Qatar… à Bahreïn….. ou il n’avait aucun cas de justice,…pas au Qatar…cherchez l’erreur…

On est bien loin du respect de la vie privée et de  la famille…

Ou sont les belles promesses de réorganisation des services consulaires qui sont totalement inadaptés aux situations de français en difficultés ou encore soumis à des cas juridiques/judiciaires à l’étranger et rendent les situations  plus difficiles, douloureuses,  voire quasi-insolvables ….. ?

Bernard-Louis Laporan