Frères musulmans, revenir aux fondamentaux

Portés au pouvoir il y a à peine un an démocratiquement, les voilà pourchassés ayant d’un seul coup tous les maux de la terre. L’arrestation des dirigeants du mouvement sonne comme une provocation et un appel à la violence. Finalement,  c’est  peut-être cela que cherche le général Abdel Fatah Al-Sissi, l’homme de l’Arabie saoudite, en finir avec eux physiquement. A cela le nouvel homme fort de la Confrérie Mahmoud Ezzat opposera un retour aux fondamentaux suivant les orientations d’Hassan al-Banna.

Si un vote démocratique n’a aucune valeur mais que reste t-il ?

Jusqu’au bout Morsi,  et les frères musulmans ont crû que le fait d’avoir été élu démocratiquement les mettrait à l’abri et que des millions d’égyptiens se révolteraient si la démocratie naissante était attaquée, voire même « certains » dans le monde. Les dirigeants spirituels et stratèges, Badie, Khaïrat Al-Shater, l’influent prédicateur Safwat Hegazy et le porte-parole du Parti de la liberté et de la justice Mourad Ali  et d’autres  en étaient encore jusqu’à il y a quelques heures persuadés.

La preuve,  au lieu de se réfugier à l’étranger, Badie guide suprême des frères musulmans, vient de se faire prendre chez lui au Caire par les forces de l’ordre ; les images le montrent abasourdi. Pourtant comme l’indique le site JOL, « depuis mercredi 10 juillet, le guide suprême des Frères musulmans, Mohamed Badie, et d’autres responsables de la confrérie islamiste sont sous le coup d’un nouveau mandat d’arrêt de la justice égyptienne, émis par le procureur général. Ce mandat d’arrêt concerne les violences qui ont fait plus de 50 morts dans la journée de lundi 8 juillet et les Frères musulmans sont accusés d’avoir incité les manifestants pro-Morsi, le président islamiste déchu, à la violence.

Badie était au courant de l’attaque qui serait portée contre lui et du fait que la « confrérie » n’a jamais fait partie du « CMD (clan mondial des démocrates) ». Alors pourquoi n’a-t-il pas quitté l’Egypte pour conduire la révolte de l’extérieur ?

Pour combattre la démocratie on utilise parfois la démocratie

Etre élu ne vous met pas à l’abri de la « justice » or la confrontation entre la justice et Morsi a été violente. En voulant s’octroyer «les pouvoirs judiciaires » Morsi et ses conseillers ont mis le doigt dans l’engrenage de la révolte. La même erreur, ils l’ont faite dans beaucoup de secteurs du pays jusqu’à la culture. Alors qu’ils ont été élus par une base savamment construite depuis des décennies par un entrisme reconnu par tous comme efficace, ils en oublient l’essentiel, un peuple a besoin au moins de « pain » pour vivre. Comme on dit chez nous « la tête a enflé. » Le peuple mécontent et travaillé au corps par tous les opposants aux frères, soit plus de 80 % de la population, souverain de la démocratie a demandé à l’armée qui était déjà prête, à destituer ces démocrates « un peu naïfs ».

Le peuple a demandé l’application de l’article 35 de la constitution française de l’An 1 (24 juin 1793) «  Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »

Ou peut être plus simple. Il se raconte une histoire que rapporte Henri Boulad, prêtre jésuite égyptien,  » quelqu’un achète au marché une boîte de conserves qui, une fois ouverte, se révèle avariée. Que va-t-il faire ? La manger ou la jeter ? La jeter bien entendu. C’est un peu ce qu’a fait le peuple égyptien auquel Morsi et les Frères promettaient monts et merveilles. Une fois la boîte ouverte, il s’est aperçu que l’intérieur était pourri. D’où sa réaction de rejet.
Tout le long de son article Henri Boulad « crache » l’amour qu’il a pour son prochain notamment lorsqu’il parle des frères musulmans avec un certain courage . Ceci montre la « haine » des camps opposés…

OBAMA lâche les frères et le Qatar

Les américains laissent l’Arabie saoudite diriger le golfe. OBAMA met fin à l’expérience Frères musulmans – Qatar.

L’Arabie saoudite prend le challenge de diriger et peser comme dans le passé sur le Golfe et le Nord Afrique, financièrement avec ses alliés des Emirats réunis elle peut assurer la totalité des financements. Elle a aussi le personnel compétent pour ce type de manœuvres de grandes envergures. L’Egypte « apaisé » pourra compléter  en besoins de personnel.

La véritable stratégie de l’Arabie saoudite est la construction d’une nation arabe wahhabite où la démocratie n’a pas lieu d’être. Le propos tenu par le roi Fahd d’Arabie Saoudite au journal koweïtien El Sissayah, le 28 mars 1992  est toujours d’actualité : Une démocratie à l’occidentale ne peut être adaptée par l’Arabie Saoudite… Le système démocratique prévalant dans le monde ne convient pas à notre région… Notre pays a une spécificité que nous devons réaliser et le système des élections libres ne lui convient pas. Nous avons notre foi islamique où le système électoral n’a pas droit de cité.

Une des premières décisions est rapportée par L’Orient du Jour.com «  L’autre contradiction est dans ce tableau ubuesque d’un chef de l’État jeté en prison alors qu’il avait obtenu 51,7 pour cent des suffrages populaires lors de l’élection de juin 2012 tandis que son prédécesseur vient d’être blanchi d’une accusation d’enrichissement illicite mais non pas (pas encore ?) des charges de meurtre de manifestants et de corruption qui continuent de peser sur lui. »

 Mahmoud Ezzat

La confrérie confie son destin à Mahmoud Ezzat

C’est le journal Le Monde qui l’annonce dans un article où il est qualifié de « renard et homme de fer ». Présenté comme un radical au moment où l’armée souhaite une radicalisation, cette nomination peut inquiéter. On fait souvent un lien entre Mahmoud Ezzat et Sayyid Qotb.

Sayyid Qotb aurait pu n’être qu’un théoricien anonyme. Mais son séjour en prison le radicalise. Sa doctrine tend à s’imposer sur la confrérie en lieu et place de celle d’Hassan Al-Banna, (fondateur de la Confrérie) attaché lui à une islamisation progressive de la société. Sayyid  Qotb  préconise le recours à la force contre le pouvoir.

Il faudra bien les deux « qualités « renard et homme de fer » à Mahmoud Ezzat pour sortir les frères musulmans dans l’impasse où ils sont aujourd’hui. Les théories et événements du passé peuvent inspirer mais comme affirmait un certain Louis Ferdinand Destouches dit Céline, « l’histoire ne repasse pas les plats. »

Nous ne sommes plus dans les années 50, Mahmoud Ezzat le sait, en Egypte les frères représentent entre 15 et 20 % de la population quoi que puisse faire le général Abdel Fatah Al-Sissi ils seront toujours là. Il sait que dans des pays autour de l’Egypte les frères sont installés au pouvoir ou dans la population. La nouvelle donne de la gestion du Golfe confiée à l’Arabie saoudite n’arrivera pas malgré tous les milliards « potentiels » à clore tous les conflits religieux, politiques, économiques et sociaux dans cette partie du monde.

Les américains pour des raisons stratégiques et internes s’éloignent de cette partie du monde, ils ont obtenu de l’Arabie qu’ils puissent garder toutes les bases militaires installées au Moyen Orient. Les guerres selon les américains se feront de plus en plus avec des drones sous formes de « jeux virtuels » mais avec des vrais morts.

La solution Mahmoud Ezzat la connait, une dose d’autocritique, une dose de spiritualité, une dose de rapport de force et enfin revenir aux fondamentaux. C’est à dire revenir à Hassan al-Banna qui disait « Je crois que tout est sous l’ordre de Dieu, que Mahomet est le sceau de toute prophétie adressée à tous les hommes… que le Coran est le Livre de Dieu, que l’islam est une Loi complète pour diriger cette vie et l’autre… » Son travail est de l’adapter à aujourd’hui.