Murray Bookchin un militant et essayiste américain

Dans le cadre de mes travaux sur l’anarchie, je travaille actuellement sur les écrits de Murray Bookchin.

Écologie sociale et municipalisme libertaire

Murray Bookchin (1921-2006) est un militant et essayiste américain.
Formé à la pensée marxiste et s’inscrivant dans la tradition anarchiste, il
rejette le léninisme et prend peu à peu ses distances avec les tendances
individualistes, primitivistes et anti-technologiques du mouvement
anarchiste américain, pour développer ses propres conceptions de
l’écologie sociale et du municipalisme libertaire.

Bookchin a eu une influence importante sur la pensée écologique et anticapitaliste aux États-Unis, et, à compter des années 2000, sur le mouvement de libération kurde.

Abdullah Öcalan, le leader emprisonné du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a en effet découvert ses écrits en prison et bien qu’adhérent initialement a un marxisme-léninisme orthodoxe, il se réclame dorénavant des idées de Brookchin dont on peut retrouver l’influence dans le confédéralisme démocratique kurde ou le renforcement du rôle des femmes au sein du PKK.

Voici quelques textes donnant un aperçu des thèmes abordés dans l’œuvre plus vaste de Murray Bookchin.

Dans « Écologie et pensée révolutionnaire », publié en 1964, Bookchin insiste sur la portée critique, émancipatrice et révolutionnaire de l’écologie.

Un demi-siècle avant la faible prise de conscience actuelle, Il dénonce les désastres causés par la croissance économique, pointe l’effrayant appauvrissement des milieux naturels qui en découle, et avance que la domination destructrice de l’homme sur la nature, découle de la domination de l’homme sur l’homme. Pour Brookchin la révolution
écologique ne pourra advenir que par la mise en œuvre des idées
libertaires et décentralisatrices.

Dans « Pour une société écologique », publié en 1973, Bookchin
montre que la crise écologique est en réalité une crise sociale, qui ne peut être résolue que par une restructuration révolutionnaire de la société sur des principes écologiques. Cette révolution implique de rompre avec « l’environnementaliste » qui entretient une conception passive de la nature, soumise à la domination de l’homme.

La domination omniprésente de l’homme sur l’homme, de l’homme sur la femme, de l’âge sur la jeunesse, et l’obsession de la possession, propres aux sociétés hiérarchiques, est l’un des obstacles à la constitution de relations harmonieuses avec la nature. Contre la guerre de tous contre tous, le pillage généralisé, la prétendue justice qui institue l’inégalité entre égaux et le fétichisme de l’équivalence, aujourd’hui entretenus par la dictature marchande, ce sont les logiques de participation, de coopération et de communauté qu’il convient de développer, sous peine de voir l’humanité aller à sa perte.

Dans « Le changement radical dans la nature », paru en 1984,
Bookchin se place davantage sur le terrain de l’épistémologie et de la
philosophie des sciences.

Il remarque que la société capitaliste a développé une idéologie de la nature, considérée comme une arène de compétitions, alors qu’on y observe bien plus fréquemment des phénomènes de coopérations et des relations symbiotiques. Une conception « atomiste », « isolationniste », de la sélection naturelle a occulté la complexité des relations entre espèces au sein de la communauté biotique et de l’écosystème.

Contre l’anthropomorphisme qui prête des attributs moraux à la nature, ou contre la sociobiologie qui consacre l’ordre existant par ses fausses objectivations, Bookchin réaffirme tout à la fois la spécificité de l’ordre social et sa continuité avec l’ordre naturel.


Dans « Mort d’une petite planète – c’est la croissance qui nous tue », paru en 1989
, Bookchin rappelle que les catastrophes environnementales – marées noires, accidents nucléaires, réchauffement climatique – ne sont pas des « accidents », mais des occurrences inévitables qui ont été prévues depuis longtemps.

Car la crise écologique est systémique. Elle tient aux fondements mêmes de la société marchande, à l’obligation de croissance économique et à l’esprit de compétition qui l’entretient. La stigmatisation des consommateurs ou des entreprises polluantes, les efforts entrepris individuellement, de la « simplicité volontaire » aux utopies « New Age », sont des réponses insuffisantes qui ne mettront pas un terme à la multiplication tragique des catastrophes. Seule des réponses collectives, localement élaborées à partir des besoins réels des populations humaines, permettront de contenir la catastrophe écologique.

Dans « Le municipalisme libertaire – une nouvelle politique
communale ? » paru en 1995
, Bookchin commence par rappeler
comment le sens du mot « politique » s’est perverti avec l’avènement de
l’état-nation et sa confiscation par une caste de soi-disant
« représentant » du peuple, défendant en réalité leurs intérêts propres ou ceux des dominants.

La véritable politique s’exprime davantage dans les assemblées citoyennes qui œuvrent quotidiennement au sein d’un véritable « écosystème politique ». Les partis dits « politique » trouvent leur origine dans l’état et non dans la citoyenneté. Ils ne peuvent entretenir la véritable vie politique qui doit se développer à partir de la commune dont les formes élémentaires sont les villages, les villes, les quartiers et les cités.

La commune doit posséder un caractère organique et une identité propre permettant de dépasser l’insularité de la sphère privée et familiale. Elle ne se confond pas avec les proliférations urbaines contemporaines. Elle est le lieu de formation de l’individu et du citoyen quand la citoyenneté devient l’art d’expression de soi au sein de la communauté.

Le municipalisme libertaire de Bookchin envisage une « municipalisation » partielle de la propriété qui doit conduire à mettre progressivement les moyens de production à la disposition des libres assemblés de citoyens. Il rejette cependant les perspectives autarciques et plaide pour une interdépendance des communes. Ces efforts doivent permettre d’échapper au pouvoir centralisateur des états et des firmes qui perpétue l’idéologie de la croissance, la déresponsabilisation généralisée et le désastre écologique qui en découle.