Qatar : une nouvelle loi répressive restreint encore la liberté d’expression

Amnesty International prend position sur la liberté d’expression qui régresse au Qatar.

Communiqué de presse : publié le 21.01.2020.

Une nouvelle loi formulée en termes vagues qui érige en infractions toute une série d’activités liées à l’expression et à la publication annonce une forte restriction de la liberté d’expression au Qatar, à peine deux ans après que le pays a adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), a déclaré Amnesty International le 20 janvier 2020.

Cette loi, promulguée par l’émir Tamim bin Hamad Al Thani, modifie le Code pénal en ajoutant une disposition, l’article 136 bis, qui autorise l’incarcération de « toute personne qui diffuse, publie ou republie des rumeurs, des déclarations ou des informations fausses ou partiales, ou une propagande provocatrice, à l’intérieur du pays comme à l’étranger, dans l’intention de nuire aux intérêts de la nation, de semer le trouble dans l’opinion publique ou de porter atteinte au système social ou au système public étatique ».

« Cette loi témoigne d’un recul inquiétant quant aux engagements souscrits il y a deux ans pour garantir le droit à la liberté d’expression. Le Qatar est déjà doté de lois répressives, mais ce texte représente un nouveau coup dur pour la liberté d’expression dans le pays et une violation flagrante du droit international relatif aux droits humains, a déclaré Lynn Maalouf, directrice des recherches pour le Moyen-Orient à Amnesty International.

« Il est très préoccupant que l’émir du Qatar adopte une loi susceptible de servir à faire taire les détracteurs pacifiques. Les autorités qatariennes devraient abroger ces lois, dans le droit fil de leurs obligations juridiques internationales, au lieu de les empiler. »

Au titre de ce nouveau texte, la diffusion ou la publication « partiale » est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison et d’une amende de 100 000 riyals (25 000 euros environ). Or, cela est contraire au PIDCP, que le Qatar a rejoint en 2018, ce qui lui a valu les éloges de la communauté internationale. L’article 19 du Pacte garantit en effet le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées.

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Complément d’information

Le texte intégral de la loi, qu’Amnesty International a examiné, a été publié au Journal officiel le 19 janvier, bien que l’émir l’ait promulgué une dizaine de jours avant, le 8 janvier.

Le 18 janvier, le journal qatarien al Raya a publié sur son site Internet un article très précis sur la nouvelle loi. Il reproduisait le contenu de la loi, se bornant à résumer plusieurs de ses dispositions sans commentaire ni analyse éditoriale. Certaines formulations diffèrent de la version finale du texte, mais les informations principales sont correctes, notamment une référence précise à la possible condamnation à cinq ans de prison pour « perturbation de l’opinion publique ». Cependant, dans les 24 heures qui ont suivi, le journal a publié des excuses pour avoir diffusé ces informations, exprimant des regrets pour « avoir suscité une polémique », et a supprimé l’article de son site et de ses comptes de réseaux sociaux, déclarant qu’ils avaient obtenu le texte « d’une source non officielle » et l’avaient publié « sans valider avec les autorités compétentes ».

Le Qatar dispose déjà de lois arbitraires qui restreignent la liberté d’expression, telles que la loi de 1979 sur l’imprimerie et les publications et la loi de 2014 sur les infractions liées aux technologies de l’information. En 2012, le poète qatarien Mohammed al Ajami a été condamné à une lourde peine d’emprisonnement pour avoir récité un poème critiquant l’émir, dans son appartement privé, alors qu’il vivait à l’étranger. Il a par la suite été libéré à la faveur d’une grâce.

Par ailleurs, d’autres préoccupations ternissent le bilan du Qatar en termes de droits humains, notamment le traitement réservé aux travailleurs migrants. La semaine dernière, le Qatar a annoncé une nouvelle loi supprimant l’obligation d’obtenir un permis de sortie du territoire pour les employés de maison migrants. Le ministère de l’Intérieur a assuré qu’il continuerait néanmoins d’appliquer des sanctions financières et liées à l’immigration aux employés de maison partis sans la permission de leurs employeurs – lors même qu’aucun article dans la loi ne prévoit de telles sanctions.