Le Qatar est un arbre du désert ou un mirage ?

En cette fin d’année 2013 j’ai eu l’occasion de parler avec mes amis de ma passion concernant le Qatar. A la question comment définis-tu le Qatar ? Je réponds humblement : le Qatar est un arbre du désert, il peut être l’espoir de trouver la vie ou un simple mirage qui disparaît quand on s’en approche.

 

L’espoir d’une vie meilleure ou simple mirage ?

Vivre au Qatar en cette fin d’année 2013, c’est être dans un monde en plein changement où tout est encore possible. L’émir Tamim cédera-t-il au conservatisme ou poursuivra-t-il la marche en avant ? Toujours ce vieux débat du moderne et de l’ancien qui traverse tous les pays et toutes les organisations.

Il est impossible de ne pas percevoir « une force » qui se dégage de ce pays, à rassembler autour des quelques dirigeants, des marchands d’idées, qui font rêver dirigeants, observateurs et ceux qui aspirent à y travailler. Le plus drôle est la planification de ces rêves avec Vision 2030. Or, tout le monde sait à quel point les « experts » se trompent et sont capables de nier certaines évidences.

Ce fut le cas de Rand dans l’éducation. Ce cabinet américain qui pendant 10 ans a conseillé et formaté l’Education Nationale du Qatar avait comme mission de porter le pays vers « un monde de la connaissance », un thème assez large, dans lequel il s’est égaré. Ni les compétences, ni les analyses et le rapport qui en suivit par Rand ne sont en cause mais ils se sont heurté «  aux pouvoirs des tribus » qui ont détricoté en freinant les avancées de Rand. Même sous la protection de la first lady Scheikha Moza, ils n’ont pas réussi à transformer l’intransformable. Le seul reproche que je ferais à Rand est la négation de la « vie réelle » et le manque d’adaptation de leur projet.

Le résultat de ce quasi échec est que le premier pilier sur lequel le Qatar voulait construire une nouvelle ressource pour se sortir de l’emprise du secteur gazier, ne produira rien, et pire, globalement les résultats scolaires des jeunes qataris ne sont pas au rendez vous. Le Qatar n’a pas réussi à avoir une éducation nationale à lui et reste plus que jamais dépendant des expatriés.

 Ce que Rand a réussi, c’est à faire venir un nombre important d’universités comme par exemple la prestigieuse Northwestern University. Une de ses enseignantes, Christina Paschyn s’exprimait sur le rôle de la femme qatarie en matière de journalisme. Selon elle, beaucoup d’étudiantes en journalisme au Qatar aimeraient poursuivre une carrière dans ce métier, mais la peur des reproches de la famille et de la société sont encore à surmonter.

Nous sommes là dans le débat du conservatisme qui voit la femme en vase faible à protéger et du modernisme se rendant compte que le Qatar a besoin de toute sa population et qu’empêcher les femmes d’apparaître en public ne repose sur aucun argument sérieux. D’ailleurs si on se rapporte à la légende de May et Ghilan, les « anciens » savent que la femme peut gagner certaines compétitions où les hommes excellent. L’émir Tamim tient là un sujet majeur pour montrer une de ses facettes, tout porte à croire qu’il a compris et qu’il a conscience de l’enjeu mais osera-t-il sur ce sujet affronter « la horde de religieux » qui pensent le contraire ? Lorsqu’on voit qu’il n’a pas osé nommer sa sœur Hind, fine politique comme ministre ou ambassadrice à Paris, cela montre son manque de courage pour l’instant. D’une certaine manière l’émir Hamad en laissant une cogestion du pays à Scheikha Moza était plus en avant-garde que son fils l émir Tamim qui ne se montre jamais avec sa femme.

L’espoir d’une amélioration de la vie au Qatar repose sur l’enseignement et l’éducation dispensés à sa jeunesse. Aujourd’hui, c’est là l’échec le plus cuisant des autorités qataries et des marchands de rêves. C’est une jeunesse « sans envie et qui s’ennuie » qui est le socle de demain. Certains experts ont indiqué récemment que cette génération pourrait mourir avant ses parents car atteinte d’obésité et de diabète. Le couple qatari en pleine explosion atteint par un taux de divorce à prés de 40 % et par une vie au travail intense a d’énormes difficultés à gérer sa famille. Lorsqu’on interroge certains jeunes sur leur rêve le plus fou, ils répondent « passer une heure avec mon père ». C’est un cri de douleur et d’angoisse qu’il faut entendre avant la phase que d’autres pays connaissent, un taux de disparition prématurée des jeunes par l’irréparable.

Devenus adultes les qataris ne peuvent être des citoyens ordinaires. Avec une population d’autochtones dont le nombre reste mystérieux, estimée entre 250 et 300 000 personnes, les tensions sont fortes pour que la réussite soit au rendez-vous. Même si en moyenne ce pays a par habitant le pouvoir d’achat le plus élevé au monde, les disparités sont importantes. On comptabilise un nombre de millionnaires estimé à 30 000 ce qui est énorme sur une si petite population. Mais l’autre partie des qataris a de graves difficultés pour exister car la vie au Qatar est chère. Même avec les aides de l’état, la course au « paraître » est une des raisons essentielles de l’éclatement du couple qatari endetté au-delà de l’acceptable, poussé en cela par des familles qui s’immiscent souvent dans la vie des jeunes couples. Il faut s’attendre à ce que le Qatar subisse de plein fouet l’apparition de maladies dépressives dans les années à venir, rejoignant la cohorte des pays développés.

D’aucuns indiquent que la religion, véritable ciment du Qatar pourrait aider ces femmes, jeunes et adultes pour avoir une vie plus équilibrée. Mais le constat est malheureusement différent. Le wahhabisme est-il soluble dans le monde moderne, peut être ? Mais le monde imaginé par le commando de trentenaires qui gère le pays aujourd’hui, poursuivant l’œuvre du trio, Hamad, Moza et HBJ ancien premier ministre, ne vogue pas seulement vers une conception moderniste du Qatar mais comme le décrit l’artiste Sophia al-Maria, c’est vers un monde futuriste que le tapis volant du Qatar s’envole. Il faudrait juste quelques siècles pour que le wahhabisme puisse s’adapter à ce nouveau monde. Or, le Qatar n’a pas le temps.

La croissance du Qatar qui était en 2010 à 16,7 % vient de chuter 4 ans plus tard à un petit 6 %. La dépendance au gaz est de 56 % du PIB et de 73 % des recettes budgétaires. Ces chiffres nous indiquent que si demain une nouvelle source d’énergie apparait ou que le marché du gaz s’effondre nous pourrions connaître à nouveau ce que ce pays a vécu au moment de l’effondrement du cours de la perle. C’est pour cela que l’émir Hamad a détrôné son père, car celui-ci allait posément et sans bouleversements vers le futur. Scheikha Moza co-gestionnaire du Qatar avec l’émir Hamad attendent de leur fils Tamim qu’ils ont imposé, alors qu’il n’est pas le premier fils qu’il ne ralentisse pas la marche en avant du Qatar. Ils sont persuadés que tout cela n’est pas un mirage. Il faut leur souhaiter car comme me racontait un voyageur du désert « quand on observe un mirage croyant que c’est une réalité, plus on se rapproche plus l’image devient réelle, jusqu’au moment où d’un seul coup elle disparait. »