Qatar l’effet perle

Le vieux bédouin Abdallah avait promis à son fils une fois par semaine de passer chez lui pour discuter avec ses enfants. « Père ta présence est vitale pour mes enfants » lui avait dit son fils. Puisqu’il passait l’hiver au Qatar autant faire son devoir de grand-père.

 

L’héritage oral

Il avait devant lui ces 7 petits fils nés de trois belles filles d’une beauté à couper le souffle. La dernière une syrienne de 27 ans avait des yeux verts émeraude  qui vous transperçaient le cœur. A 82 ans le vieux bédouin Abdallah avait maitrisé le sexe, l’argent et n’avait jamais eu le goût du pouvoir il était presque parfait se disait il. Pour dieu, il travaillait en direct avec lui, il avait peu confiance à ses représentants terrestres. Cette séance hebdomadaire avec ses petits fils lui faisait un bien incroyable même si le retour chez lui le troublait toujours.

C’était un rituel qui commençait toujours de la même manière, Mohammed qui avait 6 ans lui disait « grand-père raconte nous ». Assis à l’ancienne sous une immense tente bédouine que son fils avait installée prés de la maison, il prenait la parole pour partager son savoir, Abdallah croyait à cet héritage oral.

 

L’effet perle

Abdallah avait décidé de leur parler de l’époque où l’économie du Qatar reposait sur l’activité perlière.

« Une légende arabe dit que la perle est une goutte de rosée tombée du ciel pendant les nuits de pleine lune. » « La moitié de la population du Qatar d’antan partait d’avril à septembre pour la récolte des perles. Une véritable armada de plusieurs centaines de bateaux.  Le « nahlam » entonnait des chants de marins rappelant les exploits des pécheurs, la nostalgie des siens et les dangers de la mer. Cette tradition séculaire avait ses rituels et son vocabulaire. Le jour du départ, appelé la ‘dacha’, et le jour du retour, le ‘gofal’, les familles des pêcheurs étaient nombreuses sur le quai. Malheureusement tous ne revenaient pas, descendre à 50 mètres de profondeur des dizaines de fois par jour en bloquant sa respiration pendant 2 à 3 minutes, le corps n’apprécie pas. C’est ce qui avant 1930 faisait vivre une bonne partie des habitants du Qatar et du golfe persique. »

« Et puis arriva le japonais Mikimito Kokichi avec ses perles de cultures. La différence entre la perle fine et la perle de culture est que, dans la première le corps étranger entre dans le mollusque par accident alors que dans la seconde, il est inséré délibérément par un technicien. Ensuite, le mollusque crée la perle » « En quelques années toute l’économie du Qatar s’en trouva bouleversée. Et jusqu’au forage du premier puits de pétrole et plus tard le gaz nous avons connus des années difficile pour notre pays. » « Notre famille avait amassé une belle fortune et avait été prudente en investissant dans plusieurs pays tel ne fut pas le cas d’autres qui ont souffert de la misère après avoir connu la richesse. »

La crainte d’un retour à la misère

Aujourd’hui la richesse est revenue, dit Abdallah, mais il faut apprendre à la maîtriser. Elle repose sur le pétrole mais surtout le gaz et ses produits dérivés. Le danger que nous vivons est qu’une fois encore c’est une activité qui est l’ossature économique du pays. L’émir Hamad l’a très bien compris et c’est une des raisons pour la quelle il a renversé son père qui sommeillait. Il a entrepris « la diversification de l’économie de notre pays ». Nous ne voulons plus connaître «l’effet perle » car rien nous garanti que les prix du gaz resteront à ce niveau pour toujours. Alors mes petits enfants à ceux qui disent « le Qatar veut manger la planète entière répondez-leur qu’au fond de nos entrailles  il y a la peur de connaître à nouveau la misère et cela nous ne pouvons l’accepter. » Peut être juste, qu’il faudra que j’explique au commando de trentenaires qui nous gouverne, qu’il faut mettre un peu plus de formes et respecter un certain équilibre du monde économique. Tiens, peut être même qu’a l’occasion j’inviterai l’émir Tamim à une de nos séances, cela lui fera du bien d’écouter des qataris et cela le sortira des griffes de tous ces marchands étrangers autour de lui.

« Au fait les enfants je n’ai vu aucune de vos mères mais où sont elles ? » « Deux sont en voyages grand-père , répondit le petit Mohammed, dans leur famille et notre dernière mère est à Londres pour faire des courses, cela fait trois jours qu’elle est parti elle ne devrait pas tarder. Elle revient avec père, mais ne te fais pas de soucis grand-père on s’occupe bien de nous. »

Le vieux bédouin, Abdallah, reprit le chemin du retour, surpris qu’une larme lui coule sur la joue. Bientôt 83 ans, que se passera-t-il quand je ne serai plus là. Il faudra que je parle à mon fils de cette situation. Heureusement que dans tout le Qatar cela ne se passe pas comme ça…