
Entretien fictif avec T.R. ingénieur en dés-ITARisation chez XYZ, propos recueillis dans le cadre de notre série sur la souveraineté industrielle.
On fabrique de la puissance diplomatique
Blog WNM à TR : On parle beaucoup de « dés-ITARisation ». Concrètement, en quoi consiste votre travail ?
TR : L’objectif, c’est de remplacer chaque composant soumis à la réglementation ITAR américaine par une alternative 100 % européenne. Ça peut être une puce, un logiciel embarqué, une lentille optronique… Chaque élément est passé au crible. On fait des rétro-ingénieries, des benchmarks, et souvent on relance des filières entières oubliées depuis les années 90.
Blog WNM : Quels sont les plus grands défis techniques ?
TR : L’électronique embarquée est la plus sensible. On parle de microprocesseurs, de FPGA, de composants RF. Beaucoup étaient achetés aux États-Unis par habitude ou facilité. Mais produire en Europe avec les mêmes performances, la même endurance en environnement militaire, ça demande des années de R&D. Il faut aussi garantir la traçabilité et la souveraineté des chaînes d’approvisionnement, ce qui n’est pas simple avec les tensions actuelles.
Blog WNM : Cette autonomie passe par le tissu industriel local ?
TR : Absolument. On travaille avec des PME comme Kalray pour les processeurs, Exxelia pour les condensateurs, ou Lacroix pour les cartes électroniques. Il y a un vrai redémarrage des compétences en France et en Europe, à condition que l’État et les grands donneurs d’ordre soient patients et stratèges.
Blog WNM : Est-ce que cette démarche change aussi votre culture d’ingénieur ?
TR : Complètement. Avant, on parlait perf, coût, délai. Maintenant, on parle résilience, traçabilité, souveraineté. C’est un vrai virage industriel, mais aussi intellectuel. On réapprend à concevoir “en souverain”, et ça redonne du sens à notre métier.
Blog WNM : Et politiquement, comment vivez-vous cette transition ?
TR : Ce qu’on fabrique n’est pas neutre. Chaque composant dés-ITARisé, c’est un bout de décision française retrouvée. C’est ce qui permet à l’État de livrer un missile sans demander l’autorisation d’un pays tiers. On ne fabrique pas que des objets techniques. On fabrique de la puissance diplomatique.
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