
Je suis né en Italie, en 1955 à Pompéi. Une époque traversée de promesses et d’inquiétudes, où le futur se dessinait dans les éclats d’un monde en reconstruction. Mon enfance, comme celle de tant d’autres, s’est écrite entre les cours d’école, les jeux de rue, et les silences que l’histoire laissait encore en suspens.
Italie, le berceau d’un rêve nomade
Mais très tôt, un rêve est venu se glisser dans mon esprit : l’Australie. Je ne sais plus quel film, quel récit ou quelle image l’a déclenché — mais cette île-continent, loin là-bas, est devenue le symbole d’un ailleurs habitable. Je ne voulais pas fuir. Je voulais étendre mon monde.
Et si j’avais croisé Rosi Braidotti à ce moment-là — elle, née un an avant moi, aussi italienne, elle aussi attirée par cette terre australe — je crois que nous aurions ri de cette coïncidence. Deux adolescents, liés par une curiosité radicale, une soif de mouvements. Elle aurait peut-être dit :
“Tu ne rêves pas d’un lieu, Antonio. Tu rêves d’une subjectivité en expansion.”
Cette intuition, je ne pouvais pas encore la nommer. Mais déjà, je sentais que le “je” n’était pas un territoire clos : il pouvait se reconfigurer, se traduire dans d’autres langues, se connecter à d’autres formes de vie.
Rosi, elle, serait partie en Australie. Moi, je serais resté — mais avec ce rêve comme point cardinal. Et c’est peut-être là que nos pensées se rejoignent : dans cette volonté d’être nomade, non par déplacement géographique, mais par ouverture intérieure.
Dans ce premier épisode, je retrouve l’écho d’un posthumanisme avant l’heure :
- Être traversé par les autres mondes.
- Se rêver en lien avec ce qui dépasse le soi biologique.
- Habiter des imaginaires comme on habite des lieux.
Et pourtant, même sans la connaître encore, Rosi était déjà présente dans mon monde intérieur – comme un reflet anticipé de mes propres tensions. Nos parcours s’ignoraient, mais nos pensées s’appelaient.
Ce premier frisson d’un ailleurs m’a appris que l’altérité n’est pas seulement ce qu’on découvre loin – elle est déjà là, en nous, comme une promesse silencieuse. Ainsi commença le long dialogue entre ce que je suis et ce que je pourrais devenir. Un dialogue que Rosi, sans le savoir, venait de rejoindre.
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