
C’est une idée fascinante qui combine architecture, symbolisme et mise en scène. Développons-la ensemble.
Le Festival d’Avignon 2025 regorge d’œuvres où la théâtralité du seuil est mise en scène de manière puissante
Qu’est-ce qu’un « seuil » ?
Le seuil est un espace de passage : entre dehors et dedans, entre deux mondes, deux états. Ce n’est pas juste un lieu physique (comme une porte), mais un moment de transition, de transformation.
Et la « théâtralité » ?
Cela renvoie à l’art de créer une mise en scène : organiser l’espace, capter l’attention, produire une émotion ou un effet. La théâtralité du seuil, donc, c’est l’idée que ce lieu de transition devient scène, rituel, moment dramatique.
Comment cela s’exprime ?
- Dans l’architecture : les porches monumentaux, les vestibules ornés, les portails symboliques. Ils annoncent, impressionnent, et souvent préparent à un changement d’état (comme dans les temples ou les palais).
- Dans le théâtre ou la performance : le seuil devient un lieu où l’acteur entre ou sort, où le public est préparé. Pense à la rampe, au rideau, à l’instant où la lumière s’éteint.
- Dans la vie sociale : les seuils rituels – passer le pas d’une maison, entrer dans un lieu sacré, traverser une frontière. Souvent accompagnés de gestes codifiés : frapper, attendre, se déchausser.
Quelques références possibles
- Gaston Bachelard, dans La Poétique de l’espace, évoque le seuil comme espace psychique.
- Marc Augé et les « non-lieux » — où le seuil perd parfois sa théâtralité.
- Dans les rites d’initiation, le passage du seuil symbolise le changement de statut, un moment dramatique.
On pourrait dire que tout seuil, s’il est investi symboliquement, devient théâtre : il suscite une attente, marque un avant et un après, et met en scène l’individu face au changement.
Le Festival d’Avignon 2025 regorge d’œuvres où la théâtralité du seuil est mise en scène de manière puissante. Une pièce qui illustre magnifiquement cette idée est Les Perses d’Eschyle, mise en scène par Gwenaël Morin.
Le seuil comme espace dramatique dans Les Perses
- Lieu de représentation : Jardin de la rue de Mons, un espace ouvert qui devient un seuil entre nature et théâtre.
- Mise en scène radicale : Morin opte pour une scénographie minimaliste, où les comédiens franchissent des espaces symboliques — entrées, sorties, ruptures — qui deviennent des seuils physiques et psychologiques.
- Thématique centrale : Le retour des soldats après la guerre, le deuil, la chute d’un empire. Chaque personnage est à un seuil : entre vie et mort, entre orgueil et humilité, entre passé glorieux et présent tragique.
Pourquoi c’est théâtral ?
- Le public est témoin d’un passage collectif : celui d’une civilisation qui bascule.
- Les silences, les déplacements, les regards vers l’horizon deviennent des gestes de seuil.
- Le lieu lui-même, en plein air, invite à une porosité entre monde réel et fiction, entre spectateur et acteur.
Ainsi, la théâtralité du seuil ne cesse de questionner notre rapport au passage, au rituel et à la transformation. Elle fait de chaque franchissement un acte poétique et politique, où l’individu devient acteur d’une traversée qui le dépasse — entre ce qu’il quitte, ce qu’il espère, et ce qu’il devient.
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