Journée mondiale de l’alimentation, 16 octobre 2020

Le nombre des personnes sous-alimentées, actuellement estimé à près de 690 millions, pourrait augmenter de 132 millions d’ici la fin de l’année 2020.

Le 75e anniversaire

Chaque année, le 16 octobre, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture célèbre la Journée mondiale de l’alimentation, qui commémore la date de sa création, en 1945.

Pour ce 75 anniversaire, Covid-19 s’est invité. Le bilan des pertes en vies humaines de la pandémie du COVID-19 est dramatique à l’échelle mondiale, et présente des difficultés sans précédents pour la santé publique, les systèmes alimentaires et le monde du travail. La perturbation économique et sociale causée par la pandémie produit des effets dévastateurs : des dizaines de millions de personnes risquent de tomber dans l’extrême pauvreté, tandis que le nombre des personnes sous-alimentées, actuellement estimé à près de 690 millions, pourrait augmenter de 132 millions d’ici la fin de l’année.

Des millions d’entreprises menacent de fermer. Près de la moitié des 3,3 milliards de travailleurs dans le monde risquent de perdre leurs moyens d’existence. Les travailleurs de l’économie non structurée sont particulièrement vulnérables, car la majorité d’entre eux ne bénéficient d’aucune protection sociale ni d’accès à des soins de qualité, et ont perdu l’accès aux moyens de production.

Privés des moyens de se constituer un revenu en période de confinement, nombreux parmi eux sont ceux qui ne sont plus en mesure de se nourrir et de nourrir leur famille. Pour la plupart, l’absence de revenu veut dire absence de nourriture ou, au mieux, une alimentation moins abondante et moins nutritive.

La pandémie a touché l’ensemble du système alimentaire et dévoilé sa fragilité.

Les fermetures de frontières, les restrictions imposées au commerce et les mesures de confinement ont empêché les agriculteurs d’accéder aux marchés, notamment pour l’achat d’intrants et la vente de leurs produits, et les ouvriers agricoles n’ont pu s’employer dans les récoltes, ce qui a rompu les chaînes d’approvisionnement alimentaire nationales et internationales et réduit la disponibilité de régimes alimentaires sains, sûrs et diversifiés.

La pandémie a décimé les emplois et mis en danger les moyens d’existence de millions de personnes. Sous l’effet de la perte d’emploi des chefs de famille, de la maladie qui les frappe et de leur décès, la sécurité alimentaire et la nutrition de millions de femmes et d’hommes se trouvent mises en péril, et les populations les plus touchées sont celles des pays à faible revenu, en particulier les segments les plus marginalisés, soit notamment les petits exploitants agricoles et les groupes de populations autochtones.

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Des millions de travailleurs agricoles – salariés et indépendants -, alors même qu’ils pourvoient à l’alimentation du monde, connaissent régulièrement des stades aggravés de pauvreté, de malnutrition et des troubles de santé, et souffrent d’un manque de sécurité et de protection au travail ainsi que d’autres types d’atteinte à leur personne. Ne disposant que de revenus faibles et irréguliers, et en l’absence d’aide sociale, un grand nombre d’entre eux sont poussés à continuer de travailler, souvent dans des conditions où leur sécurité n’est pas assurée, et ce faisant s’exposent, ainsi que leur famille, à des risques supplémentaires.

En outre, lorsqu’ils subissent des pertes de revenus, ils sont susceptibles de recourir à des stratégies de survie aux conséquences préjudiciables : vente d’actifs en catastrophe, prêts à taux usuraire ou travail des enfants. Les travailleurs agricoles migrants sont particulièrement vulnérables, car ils sont exposés à des risques dans leurs conditions de transport, de travail et de vie et rencontrent des difficultés pour accéder aux mesures de soutien mises en place par les gouvernements. Pour sauver des vies et protéger la santé publique, les moyens d’existence des personnes et la sécurité alimentaire, il sera indispensable de garantir la sécurité et la santé, ainsi que de meilleurs revenus et une meilleure protection de tous les travailleurs de l’agroalimentaire, des producteurs primaires à ceux qui participent à la transformation, au transport et à la vente au détail des aliments, y compris les vendeurs d’aliments sur la voie publique.

Dans le contexte de crise causé par le COVID-19, les questions de sécurité alimentaire, de santé publique, d’emploi et de travail, en particulier la santé et la sécurité des travailleurs, tendent à converger. Le respect des mesures d’hygiène et de sécurité au travail et la garantie de l’accès à un travail décent, et de la protection des droits du travail dans tous les secteurs, seront essentiels pour traiter la dimension humaine de cette crise. Les mesures immédiates et ciblées destinées à sauver des vies et des moyens d’existence doivent inclure un élargissement de la protection sociale, en visant à instaurer une couverture médicale universelle, et des allocations complémentaires pour les personnes les plus touchées. Il s’agit notamment des travailleurs de l’économie non structurée et des personnes occupant des emplois mal protégés et mal rémunérés, parmi lesquelles des jeunes, des travailleurs âgés et des migrants.

Une attention particulière doit être accordée à la situation des femmes, qui trop souvent occupent des emplois mal rémunérés et exercent des fonctions de personnel soignant.

Différentes formes de soutien sont essentielles, notamment les transferts monétaires, les allocations familiales et les repas sains fournis en milieu scolaire, les initiatives d’aide au logement et à l’alimentation, le soutien au maintien et au retour à l’emploi, et l’aide financière aux entreprises, y compris les micro-entreprises et les entreprises petites et moyennes. Lors de la conception et de la mise en œuvre de ces mesures, il est indispensable que les gouvernements travaillent en étroite collaboration avec les employeurs et les travailleurs.

Les pays qui font face aux crises et aux urgences humanitaires actuelles sont particulièrement exposés aux conséquences du COVID-19. Il est essentiel de réagir rapidement à la pandémie, tout en veillant à ce que l’aide humanitaire et l’aide au relèvement parviennent à ceux qui en ont le plus besoin.

L’heure est venue de faire preuve de solidarité et de soutien au niveau mondial, en particulier à l’égard des citoyens les plus vulnérables de nos sociétés, notamment dans les pays émergents et en développement. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons venir à bout des effets entrecroisés de la pandémie sur la santé et sur l’état social et économique, et éviter qu’elle ne se transforme en une catastrophe humanitaire et de sécurité alimentaire prolongée, qui pourrait nous faire perdre nos acquis en matière de développement.

Nous devons reconnaître cette possibilité de reconstruire en mieux, comme le souligne le document d’orientation publié par le Secrétaire général des Nations Unies. Nous nous engageons à mettre en commun notre expertise et notre expérience à l’appui des mesures que prennent les pays aux prises avec cette crise, et pour concourir à leurs efforts de concrétisation des objectifs de développement durable. Nous devons élaborer des stratégies pérennisables et s’inscrivant dans la durée pour relever les défis auxquels sont confrontés les secteurs de la santé et de l’agroalimentaire. La priorité doit revenir à la résolution des problèmes sous-jacents de sécurité alimentaire et de malnutrition, à la lutte contre la pauvreté rurale, notamment par la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité dans l’économie rurale, à l’élargissement de la protection sociale à tous, à la facilitation de voies de migration sûres et à la promotion de la structuration des pans non structurés de l’économie. 

Nous devons repenser l’avenir de notre environnement et nous attaquer au changement climatique et à la dégradation de l’environnement avec ambition et un sentiment d’urgence. Ce n’est qu’alors que nous pourrons protéger la santé, les moyens d’existence, la sécurité alimentaire et la nutrition de tous et rendre meilleure notre « nouvelle normalité »