La liberté d’expression selon l’ambassadeur du Qatar en Suisse

Selon Mobarak K. Al-Harji, ambassadeur du Qatar en Suisse, qui s’exprime dans la Tribune de Genève, son pays défend la liberté d’expression, doit-on le croire ?

Le Qatar moins mauvais que les très mauvais

Droits de l’homme, liberté d’expression, liberté politique, même le référendum du Kurdistan sert à  Mobarak K. Al-Harji à expliquer que le Qatar est en avance en matière de liberté d’expression sur ceux qui boycottent son pays. Mais est-ce suffisant ?

Selon Mobarak K. Al-Harji, ambassadeur du Qatar en Suisse, qui s’exprime dans la Tribune de Genève, son pays serait moins mauvais que les très mauvais, l’Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis et Egypte. Il vise le quartet des boycotteurs du Qatar.

Parler des insuffisances des autres pays, ne suffit pas à faire de son pays un élément de référence. Il serait intéressant de conduire une enquête dans les prisons qatariennes, afin de découvrir les prisonniers politiques. On verrait rapidement que la solution trouvée par les autorités qatariennes serait vite démasquée. Combien de personnes sont aujourd’hui en prison avec le motif de chèques sans provisions ou autre raisons plus ou moins farfelues, au lieu d’emprisonnement pour raison politique ?

L’ambassadeur, Mobarak K. Al-Harji se souvient sans doute de la volonté de l’émir Hamad de mettre en place des élections législatives afin d’avoir des « conseils » de l’émir et du gouvernement, issus du peuple qatarien ? L’émir Tamim, pourtant jeune dirigeant, a tordu le cou à cette idée, préférant nommer ses « conseillers ». Il a été dit de partout que les qataris ne souhaitaient pas ces élections qui est assez naïf pour croire cette sottise ?

L’ambassadeur, Mobarak K. Al-Harji qui parle des médias ne peut pas ignorer la mésaventure de Doha News qui ne peut plus être lu localement. Un média qui donnait la parole aux qataris et expatriés, un espace de liberté, réduit au silence sur le sol qatarien.

Et que dire de l’immense gâchis d’Al Jazeera, une idée de génie transformée en un épouvantail militant, interdite dans la plus part des pays arabes. Ou de QNA qui n’est plus accessible au grand public, depuis son piratage ?

Enfin, comment un ambassadeur aussi talentueux que M. Mobarak K. Al-Harji peut écrire « ils font fausse route en appuyant le référendum de séparation du Kurdistan de l’Irak en vengeance de ce dernier et de la Turquie. » Voilà un peuple de plus de 35 millions de Kurdes qui depuis les années 1920 attend la mise en place d’un pays octroyé par la communauté internationale et toujours refusé notamment par la Turquie. Comment un pays de 300 000 habitants comme le Qatar peut se permettre de tenir de tels propos à l’encontre d’une communauté de 35 millions de Kurdes avec une histoire et une culture ancestrale ?

Il y aurait encore beaucoup à dire, monsieur l’ambassadeur Mobarak K. Al-Harji. Votre pays ne peut se satisfaire de la situation actuelle en particulier sur les droits de l’homme régulièrement remis en question pour le mauvais traitement des travailleurs étrangers. L’argument souvent avancé de dire que le Qatar a besoin de temps, n’est pas crédible. Puisque le Qatar veut aller à marche forcée vers la mondialisation, il faut qu’il en accepte toutes les règles dont celle de la démocratie, du respect des personnes et de la liberté d’expression intégrale et non à géométrie variable comme pratiquée dans votre pays.

L’ambition qui émane de votre texte ne peut pas se satisfaire d’être seulement moins mauvais que les très mauvais, elle doit conduire le Qatar à faire un choix de civilisation le conduisant aux premières places de cette idée que vous vous faites des droits de l’homme