Parjure ou rapport de force du Qatar

Quel que soit les accords signés en 2013 et ou 2014 par le Qatar, ils étaient le résultat d’un rapport de force qui avait en premier lieu abouti au remplacement des deux Hamad du Qatar, l’émir et le premier ministre, en juin 2013. Entre cette date et juin 2017, le rapport de force a changé dans le Golfe persique, le Qatar n’est plus seul et il n’a aucune envie d’obéir à un jeune Prince saoudien de 31 ans.

Il n’y a pas de mensonges d’état

Saint Just disait : « Il n’existe point de rapports entre les nations ; elles n’ont que des intérêts respectifs, et la force fait le droit entre elles. »

Les Printemps arabes à peine terminés, les saoudiens qui avaient eu « très peur » entreprirent de mettre au pas l’état qui n’avait pas ménagé sa peine pour faire grandir ces révoltes populaires. Le Qatar fut désigné coupable, la punition prit quelques temps, mais fin juin 2013, l’émir du Qatar, Hamad bin Khalifa al Thani et Hamad bin Jassim al Thani son premier ministre abandonnèrent leurs responsabilités au fils de l’émir du Qatar, Tamin bin Hamad al Thani. Le clan « al Thani » gardait le pouvoir mais le Qatar ressortait affaibli de cette aventure politique. Les saoudiens s’étaient servis d’Obama pour faire ce sale boulot.

Pour le jeune émir Tamim, il fallait avant tout survivre lui et son pays, évidemment quelques accords avantageux pour les saoudiens et associés furent signés. L’Egypte de Morsi, même élu démocratiquement, fut offert à l’armée égyptienne qui désigna son champion pour continuer à diriger le pays. Les américains d’Obama, tortillèrent un peu le popotin, mais finalement au moment où Al Sissi entreprit de nettoyer son pays des rebelles et en particulier des Frères musulmans, le président américain fit le minimum syndical.

Alors que valent ces accords signés en 2013 et 2014 par le jeune émir du Qatar, alors qu’il avait encore les fusils diplomatiques pointés sur lui et son pays ? Ces accords ne valent rien car signés sous contraintes !

Entre juin 2013 au moment ou Tamim succède à son père et juin 2017, le rapport de force a changé dans le Golfe persique. Tamim avait mal digéré l’humiliation de son père, celui qui dès le début des années 90 avait arraché le Qatar aux griffes saoudiennes. Tout en disant oui avec la voix, Tamim pensait non avec le cœur. Comment pouvait-il en être autrement ? Quel dirigeant de pays peut soumettre celui-ci aux caprices d’un état extérieur fusse-t-il son voisin ? Ceux qui crient « Parjure » ce 11 juillet 2017 ont oublié qu’un rapport de force peut évoluer, si on s’en donne les moyens.

Tamim bin Hamad al Thani à construit un autre rapport de force, en s’alliant avec la Turquie, en signant un accord militaire avec la Russie et en occupant l’espace mondial dans quasiment tous les domaines. Les liens avec son voisin l’Iran demandent encore à être renforcés pour assurer la survie de son pays. Chacun perçoit aussi les limites du « Soft power » dans une région où le respect n’existe que si vous êtes fort.

Les accords de 2013, 2014 ou les demandes de 2017 n’ont qu’un objectif pour les saoudiens, faire du Qatar une province naturelle de l’Arabie saoudite.

La position intransigeante de l’émir Tamim , du Conseil de famille de l’émirat et de son gouvernement ne suffit pas. Ils restent sur une position défensive au niveau des idées et prend le pire des chemins en voulant transformer cette crise en une affaire juridique. Les décisions arriveront quand le Qatar n’existera plus.

Le travail qui reste à accomplir pour renforcer le Qatar est énorme et ne peut souffrir aucun retard 

  • clarification de la position américaine, à ce jour aucune fiabilité ne peut être retenue malgré les efforts sincères de Tillerson et Mattis.
  • La troupe américaine d’Al Udeid doit rentrer chez elle et à la place le Qatar doit faire venir des turcs voire des chinois.
  • Un accord commercial et militaire de haut niveau doit être recherché avec l’Iran
  • Le Qatar n’étant pas le bienvenu au Conseil de Coopération du Golfe, il doit le quitter
  • Le Qatar doit faire évoluer les droits politiques, droits de l’homme et de la femme. Une réforme ambitieuse en matière de droit du travail et droit des sociétés doit être entreprise.
  • Une ouverture à la nationalité qatarienne, équivalente à 25 % des autochtones, doit être effective sur les vingt prochaines années.
  • Abandon de la Coupe du monde 2022 de football qui ne rapportera rien au peuple qatarien…

Le Qatar ne peut pas vivre selon les « caprices » d’un jeune Prince saoudien de 31 ans, mais sans réformes ambitieuses, même si elles bouleversent le pays, il retournera dans les griffes saoudiennes qui risquent de se refermer pour longtemps.