Le Qatar ne sera crédible en politique que s’il applique ce qu’il professe

L’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis sont dans l’erreur lorsqu’ils qualifient les frères musulmans de « terroristes ». Vouloir supprimer toute force d’opposition politique c’est un manque de maturité et un manque de confiance dans ses propres valeurs. A moins que certains souhaitent que la seule réponse soit apportée par l’Organisation de l’Etat Islamique !

Le débat n’est pas religieux il est politique

L’Arabie saoudite, le Qatar et les Emirats Arabes Unis sont pour l’essentiel des pays à religion sunnite, ce qui est le cas de la Confrérie des frères musulmans présente dans ces pays mais aussi dans beaucoup d’autres endroits de la planète. Observateurs du Moyen Orient sans avoir une préférence pour un de ces états ou d’affinité avec la Confrérie, nous essayons de comprendre ce qui pousse des pays comme l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis à qualifier de « terroristes » les frères musulmans. Le débat ne peut pas être religieux puisqu’ils ont la même pratique. Le débat est donc politique.

Si la vision de l’Arabie saoudite est relativement facile à comprendre puisque ce pays interdit pour l’instant toute opposition politique au régime en place, celle des Emirats Arabes Unis est moins accessible. Voilà un pays qui ne cesse de surprendre par son audace économique, artistique et quelque fois sociale qui pourtant ne laisse qu’une place infime à son opposition. Les Emirats Arabes Unis sont-ils obligés de se calquer à tout prix sur une position saoudienne qui ne peut que les conduire à une impasse ? Comment les saoudiens et les émiratis peuvent-ils imaginer un futur dans le village « le monde » sans en appliquer les règles de base ?

L’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis sont dans l’erreur lorsqu’ils qualifient les frères musulmans de « terroristes ». Vouloir supprimer toute force d’opposition c’est un manque de maturité et un manque de confiance dans ces propres valeurs.

 

Le Qatar a participé indirectement à l’échec des frères musulmans

Lorsque l’émir Hamad avait avec force soutenu la Confrérie des frères musulmans, il avait certes comme projet d’influencer des pays comme l’Egypte, la Tunisie, la Lybie et bien au-delà mais il avait une logique interne, faire évoluer son pays politiquement. Bien sûr le premier pas fut modeste avec les élections municipales ou plutôt territoriales mais il devait y avoir plus tard des élections législatives et qui sait un début de campagne électorale avec une organisation de débats et de groupes « politiques ». Lorsque le « Printemps arabe » arriva, sa présence indirecte mais visible notamment par Al Jazeera et surtout le soutien qu’il apporta à la force politique des frères musulmans était dans cette logique.

En politique la manœuvre ne suffit pas, il faut des fondamentaux et ni l’émir Hamad et ni les frères musulmans n’avaient préparé avec soin cette évolution politique. On peut même aujourd’hui s’interroger sur leur sincérité.

La prise de pouvoir des frères musulmans notamment en Egypte berceau du créateur de la Confrérie fut un lamentable échec, car ce ne fut pas le politique qui prit le pouvoir, conscient de faire évoluer l’intérêt général du pays, mais le religieux défendant une vision particulière. Pour les millions d’électeurs qui avaient soutenu ce mouvement, la déception fut grande car n’ayant pas préparé les premiers mois de règne, la Confrérie fut l’objet d’attaques externes qui furent à l’image de la crainte qu’elle avait inspiré en cas de réussite. Il ne fallut que quelques mois pour que les forces internes déçues, associées à des forces externes ayant peur pour leur avenir, pour faire éclater cet épisode politique historique.

L’émir Hamad a payé de sa personne cet échec, son fils ayant pris le pouvoir a demandé à son père quelques jours avant sa démission de reporter « à plus tard » les élections législatives préférant ainsi se rapprocher des ténèbres saoudiennes. Le Qatar ne sera crédible en politique que s’il applique ce qu’il professe, on peut considérer qu’il a participé par « son manque d’actes politiques interne » à l’échec de la Confrérie.

Les frères musulmans ont perdu un à un leur lieux d’expérience politique se rendant compte que cet échec était à méditer et à préparer le jour où l’histoire ouvrira à nouveau une fenêtre d’opportunité politique dans cette région du Moyen Orient. Alors sont-ils devenus des « terroristes » ?

Ceux qui ont reçu des millions de soutiens, en « une nuit » se seraient transformés en dangereux individus dont le seul objectif est de déstabiliser les saoudiens, les émiratis, le Moyen Orient et la terre entière. Tout cela semble peu crédible. Les dirigeants actuels de l’Arabie saoudite, des Emirats et de l’Egypte souhaitent simplement faire taire une possible alternance politique. Ils sont pour un pouvoir totalitaire sans partage, ce qui à l’échelle mondiale est éphémère. Dans le monde sunnite, en plus des frères musulmans, l’expérience des kurdes irakiens ou sans doute celle du Sunnistan (futur état regroupant les tribus sunnites iraquiennes), ou l’exceptionnel exemple tunisien, sont ou seront autant de possibilités pour le futur politique de cette partie du monde. Dans le monde sunnite, il arrivera l’heure où religieux et politique pourront coexister chacun à sa place pour diriger un pays. A moins que certains souhaitent que la seule réponse soit apportée par l’Organisation de l’Etat Islamique !

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