Les aventures d’Ali le Qatari, l’angoisse du futur

Ali

Ali venait de faire plus de 6 kilomètres à pied depuis que sa voiture était tombée en panne. Il avait oublié son téléphone chez lui, dans la banlieue de Doha où ses parents avaient une belle demeure, assez récente. A 19 ans il n’avait pas la patience d’attendre à la voiture que la police passe pour appeler un dépanneur, il avait décidé de rejoindre sa maison à pied.

 

La réflexion s’arrête au coup de klaxon

Ali se dit que finalement il avait bien fait de mettre des chaussures de marche pour aller voir un de ses amis, Mohammed à Al Khor. Il avait besoin de faire le point car dans quelques mois il devait partir en Angleterre pour des études supérieures mais depuis quelques jours une angoisse le tenaillait. En ce moment une étrange sensation lui brulait le ventre et il ne savait à qui en parler. Son père travaillait dans les bateaux de luxe et passait son temps à l’étranger. Sa mère une très belle libanaise passait beaucoup de temps dans sa famille et pas assez à ses yeux pour s’occuper de lui et de ses trois sœurs. Il faut dire que depuis que son père avait pris une deuxième épouse il y a maintenant 4 ans, une jeune syrienne venant d’avoir 22 ans quelques jours auparavant, la maison était bouleversée. Son père était resté longtemps marié avec uniquement sa mère mais la pression grandissant, il avait franchi le cap et pris une deuxième épouse. Lorsqu’Ali l’avait vue la première fois il avait à peine 15 ans et elle 18 ans, elle était si jolie et il fut si troublé qu’il encadra un pilier énorme dans le grand salon servant à rassembler toute la famille. Cela fit rire son père qui a toujours cru qu’il avait glissé sur le marbre du salon. La bosse qui en suivit lui permit de penser à cette déesse qui venait d’atterrir dans sa demeure. Depuis la mère d’Ali désertait régulièrement la maison pour aller chez ses parents qui avaient nous disait elle une mauvaise santé.

Mais la crainte de partir à l’étranger était bien le but de l’échange qu’il voulait avoir avec Mohammed qui avait un frère plus grand que lui et avait justement depuis deux ans commencé des études à Londres. Même à son ami il ne pouvait parler de la deuxième épouse de son père, le Qatar se disait Ali, fait partie des pays où on refoule sa sexualité au plus profond de soi ce qui engendre forcément à terme de graves traumatismes. Il lui restait deux kilomètres à faire avant d’arriver chez lui. Il commençait à croiser des passants, des expatriés, qui marchaient à pied avec des sacs de provisions. En croisant leurs regards il voyait de la surprise et une certaine crainte, un jeune qatari se promenant à pied et tout seul, ce n’est pas souvent qu’ils en voyaient. Ali avait marché un bon moment et faillit se faire renverser plusieurs fois par des fous du volant roulant à vive allure. Il tenait bien son bord de la route et prêt à tout moment à se réfugier sur le rebord, décidemment il constatait que marcher était quelque peu dangereux, mais c’était trop tard il fallait continuer. Une heure quinze de marche rapide sans rencontrer le moindre policier, « ils ne sont jamais là quand on a besoin d’eux …»

En fait, Ali ne voulait pas partir faire des études commerciales dans une grande école de Londres. Il était proche de la nature, il adorait la mer et avait comme projet de remettre en état un Dohw, ( petit bateau ) son père en possédait plusieurs. Ali voulait aller pêcher des perles et  du poisson. Il avait entendu son père parler de ses ancêtres, tous des marins voire des pirates, cela l’avait fait rêver, c’est bien cette vie là qu’il voulait mais comment le dire à son père. La marche l’obligeait pour une fois à penser à son avenir et il venait de s’apercevoir que le futur lui échappait. La réflexion vient en marchant et elle générait une révolte grandissante. Pourquoi je ne peux choisir mon avenir se disait-il et cela tournait en boucle dans sa tête. Depuis quelques années, Ali découvrait son pays. Vers 15 ans le jeune qatari s’ouvre à la connaissance du monde et du coup perçoit autrement son pays. Ali avait un esprit frondeur et ne comprenait pas certaines situations. Il découvrait le monde,  la notion de liberté de penser, la démocratie, les autres religions, le développement durable, le sport, les ennemis du Qatar à tout cela et bien d’autres, il aurait voulu avoir des réponses.

Il se demandait qui allait lui en apporter, son père, pas assez présent, sa mère difficilement, il lui restait quelques amis mais aussi troublés que lui, alors tout en marchant vers chez lui l’angoisse grandissait. Il fut interrompu dans sa réflexion par un coup de klaxon d’une voiture de police qui venait de le dépasser et qui faisait demi-tour, le policier avait l’air en colère mais ceci est une autre histoire dont nous parlerons prochainement.